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délire des persécutions dans l’ordre des conceptions délirantes, la folie homicide, la dipsomanie dans l’ordre des impulsions irrésistibles, nous offrent des exemples classiques de ce qu’on nomme aujourd’hui des délires partiels. » La théorie de l’indépendance relative des systèmes psychiques et de la systématisation considérée comme propriété des éléments psychiques n’a pas besoin de davantage. Elle ne saurait, en effet, attribuer aux systèmes partiels une indépendance absolue que les conditions organiques forcément communes à tous rendent impossibles. Elle trouve d’ailleurs un appui solide dans de nombreuses observations des aliénistes, quelle que soit la manière dont on les interprète[1].

IV

La mémoire, a-t-on dit, se résout en des mémoires[2] ; la volonté se résout en des volitions. On peut généraliser cette manière de voir. Il semble bien que toutes les facultés de l’esprit sont aussi fragmentées ou peuvent l’être. Nous aurons à examiner les conséquences de ce fait, mais il faut d’abord en bien déterminer la signification.

De tout ce que nous venons de voir il paraît résulter que les systèmes psychiques peuvent, dans des conditions appropriées, naître et fonctionner dans une certaine mesure, indépendamment des autres systèmes qui composent l’esprit, c’est-à-dire sans se combiner avec eux. Chaque système paraît avoir sa vie propre, comme chaque élément biologique a jusqu’à un certain point la sienne, et d’ailleurs un système ne paraît être que l’activité coordonnée de cellules ou de fibres nerveuses, c’est-à-dire qu’il existe pour chaque cellule une organisation particulière qui implique la mémoire, au moins au sens biologique, la sensibilité, l’intelligence (comme pouvoir de coordination) et la volonté (comme pouvoir de mouvement ou d’arrêt). De plus ces qualités sont intrinsèques pour ainsi dire à chaque système. Chez un individu donné, tel ou tel système peut être très fortement doué au point de vue de la mémoire, de la sensibilité, de l’intelligence, ou de la volonté, tandis que tel autre l’est très peu. Pour la mémoire, je n’ai pas à insister beaucoup, les faits sont à présent connus et interprétés[3]. On sait que certaines mémoires très spéciales

  1. Voir encore, à ce sujet, du Diagnostic médico-légal de la pyromanie par l’examen indirect, par le Dr E. Marandon de Montiel, dans les Archives de Neurologie, 1887, p. 19.
  2. Ribot, les Maladies de la mémoire, p. 106 et suiv.
  3. Voir surtout Ribot, Maladies de la mémoire, chap.  III ; Taine, de l’Intelligence, vol.  I ; Galton, Inquiries into human faculty, Mental imagery, Numberform, colour association, etc. ; G. Ballet, le Langage intérieur et l’aphasie, p. 28.