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plus souvent, les classifications étaient artificielles. Non seulement cela est vrai, presque toujours, en biologie, mais en physique, même, on est obligé dans bien des cas de recourir à des genres empiriques. D’autre part, nous avons vu que jamais l’expérience n’est en état de vérifier les résultats des déductions purement scientifiques.

On s’est demandé si tout l’appareil scientifique n’était pas une construction, purement artificielle, établie, avec beaucoup d’art, en vue de donner des solutions strictement suffisantes pour les besoins de la vie journalière. M. Dunan a traité cette question avec beaucoup de hardiesse et d’originalité[1].

Il est clair qu’a priori on peut dire là-dessus tout ce qu’on voudra, mais la question doit être posée sur le terrain de la critique de la connaissance et c’est ainsi que M. Dunan l’a considérée.

La science n’a pas à prouver qu’elle est possible ; c’est la base même de tout raisonnement ; elle doit dire dans quelles conditions elle est possible. Dans notre travail nous avons suivi rigoureusement la méthode critique. Nous avons interrogé la science ; nous lui avons demandé quelles sont ses méthodes ; nous les avons discutées, de notre mieux, et nous avons fait les distinctions qui paraissaient nécessaires.

Deux objections peuvent être faites à la science fondée sur le principe des causes autonomes :

1o En admettant même les définitions et les formules physiques, il est impossible de résoudre le problème astronomique, le plus simple de tous.

2o La loi de l’autonomie est contradictoire avec le principe de l’action mutuelle de toutes les substances.

Quel que soit le nombre des astres en présence, la formule newtonienne permet de supposer le problème astronomique soluble. Il est vrai qu’en pratique on ne peut en donner que des expressions approximatives, parce que l’algèbre ne possède pas de méthode pour résoudre rigoureusement les équations obtenues. Cette imperfection de l’instrument ne peut être une objection contre le principe même de la méthode scientifique.

On pourrait cependant objecter que le problème deviendrait réellement insoluble, même en principe, si le nombre des astres était infini. [Cette conclusion n’est pas absolument vraie et pourrait se trouver en défaut, dans le cas où les astres seraient répartis dans l’espace infini, suivant une certaine loi.]

Mais l’espace physique est-il vraiment infini ? Il n’y a aucune bonne raison à donner en faveur de cette hypothèse : il y a même lieu de

  1. Revue philosophique, novembre 1886.