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Concluons enfin en rappelant que, sous ce point de vue, le nombre est un élément des grandeurs simples.

III. Passons maintenant à la mécanique rationnelle ; nous nous trouvons là en présence d’une notion nouvelle, celle du temps ; au premier abord il paraît difficile d’assimiler le temps aux grandeurs géométriques dont nous venons de parler. Essayons cependant d’examiner séparément les divers éléments dont l’ensemble constitue cette idée du temps.

Lorsqu’on observe les corps en mouvement dans l’univers on remarque que ces corps décrivent des trajectoires ; ces trajectoires sont des courbes dont l’étude relève, bien entendu, de la géométrie ; mais elles présentent de plus un caractère particulier en ce qui concerne leur mode de génération : ce caractère consiste en ce que les trajectoires sont parcourues simultanément par leurs mobiles ; le fait fondamental de la simultanéité établit ainsi une dépendance entre les arcs de courbe que décrivent à la fois tous les corps et même entre toutes les grandeurs variables qui se rattachent à ces arcs : nous ne parlons ici, bien entendu, que de grandeurs géométriques ; citons un exemple. La terre décrit autour du soleil une trajectoire qui est une ellipse ; l’arc de cette ellipse, mesuré à partir d’une position initiale de la terre, est une grandeur géométrique ; de plus la terre est animée d’un mouvement de rotation sur elle-même, l’angle de cette rotation est encore une grandeur ; une troisième grandeur est l’aire décrite, à partir d’une position initiale, par la droite qui joint le soleil à la terre. Ces trois grandeurs sont liées entre elles par le fait de la simultanéité ; ainsi quand la terre a décrit un certain arc de son orbite, elle a simultanément tourné sur elle-même d’un angle correspondant ; la droite qui joint la terre au soleil a de même engendré une aire correspondant à cet arc et à cet angle.

Or, cette correspondance entre trois grandeurs variables équivaut en mathématiques pures à deux équations entre les nombres qui mesurent ces grandeurs. Il suit de là que le fait de la simultanéité se trouve exprimé ainsi d’une façon purement algébrique, à l’aide de formules qui n’exigent aucune notion nouvelle. Voilà donc un premier élément de l’idée du temps introduit en mécanique rationnelle.

Un second élément du temps est sa mesure, c’est-à-dire ce qu’on appelle plus spécialement la durée : pour bien comprendre en quoi ce second élément diffère du premier, imaginons que deux courriers partis à la fois d’un même lieu arrivent à la fois par des routes différentes à un autre lieu : leur parcours aura été de même durée ; mais en réalité le fait de la simultanéité intervient seul dans cette ques-