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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/169

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BINET. — sur les altérations de la conscience

un chiffre, ni par une abolition temporaire de l’anesthésie hystérique, car nous avons eu soin de constater à maintes reprises au moyen d’épreuves douloureuses ou brusques l’existence constante de l’anesthésie.

Cette expérience nous a paru réussir pour ainsi dire à coup sûr chez six de nos malades, les nommées Amélie Clet…, Léonie Lavr…, Léonie Demange…, Hortense Jume…, Marie Hab…, Pauline Schey… ; chez quelques sujets, les mouvements passifs communiqués au membre déterminent la répétition de ces mouvements en nombre égal. Par exemple, c’est ce qui arrive chez Léonie Lavr… ; pour cette malade, la perception du chiffre paraît être subordonnée à la répétition du mouvement, si bien que, lorsqu’on met obstacle à cette répétition en immobilisant le doigt ou le poignet, la malade est incapable d’imaginer un chiffre. Ce fait n’est pas général.

On peut renouveler l’expérience sur des lettres et des mots ; après avoir fait tracer des caractères quelconques à la main anesthésique, on demande au sujet de penser volontairement à une lettre ou à un mot ; et la lettre et le mot qu’il désigne spontanément, au moins en apparence, sont encore ceux que l’expérimentateur a fait écrire à sa main anesthésique.

L’expérience réussit chez sept de nos malades : Demang…, Saint-Am…, Hab…, Clet…, Lavr…, Schey…, Jum…

Chez quelques sujets, comme Louise Saint-A…, il faut faire l’interrogation tout de suite après que le mot ou la lettre ont été tracés ; si on tarde un peu, le sujet s’empresse d’écrire spontanément une suite à la lettre ou à la phrase commencées, et c’est alors ce mot ou cette phrase qu’elle perçoit. Si on l’interroge avant qu’elle ait eu le temps de manifester sa spontanéité, on arrive à lui faire indiquer la lettre qu’on a fait tracer à sa main anesthésique. Chez les autres malades, qui sont moins spontanées, cette précaution n’est pas nécessaire.

Les deux épreuves précédentes mettent spécialement en œeuvre le sens musculaire ou kinesthétique (Bastian). Ce ne sont pas les seules expériences qu’on peut faire sur le sens musculaire. La perception de la position des membres peut être retrouvée, sous forme d’idées, chez toutes nos malades ; l’attitude résultant d’une contracture provoquée par l’excitation mécanique des muscles peut également être perçue sous la même forme.

La localisation de l’excitation musculaire se fait assez exactement chez quelques malades. Si, après avoir soulevé un doigt de leur main anesthésique, on les prie de désigner volontairement un doigt, c’est celui-là qu’elles désignent. (Demang…, Clet…, Jume…, Scheye.)