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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/232

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« P.-S. — Il n’est peut-être pas inutile de consigner ici une observation qui peut avoir son intérêt au point de vue de la science ; c’est que, dans ses accès de somnambulisme, J. a parfaitement conscience de l’état dans lequel il se trouve. Le plus ordinairement il s’y complaît même ; et quand on veut le réveiller il vous supplie de ne pas le faire, disant qu’il se trouve bien plus heureux que dans son état naturel. Néanmoins, à la suite de chaque crise, il éprouve une grande fatigue et ses traits sont altérés d’une manière très sensible. Cette fatigue doit-elle être attribuée à l’activité extraordinaire de ses facultés dans son état de somnambulisme, ou bien serait-elle le résultat de la violente commotion qu’il éprouve toujours en passant de cet état à celui de veille ?

« Une fois réveillé, J. n’a plus le moindre souvenir de ce qui s’est passé dans son état de somnambulisme. Mais dans chacune de ses crises il se rappelle parfaitement tout ce qui s’est passé, tout ce qu’il a dit et fait dans ses crises précédentes.

« Dans son état naturel, J. a la mémoire assez rebelle et retient difficilement ce qu’il étudie. Or, nombre de fois il lui est arrivé d’étudier tout haut ses leçons d’histoire dans son lit. Au bout d’un certain temps le maître adjoint lui prenait le livre des mains, et le somnambule récitait sans en omettre une syllabe les cinq ou six pages qu’il venait de lire. Réveillé aussitôt après, il n’avait pas le moindre souvenir de ce qu’il venait de lire et de réciter[1]. » — B.

Avant de remettre ce rapport à M. le Dr Cressant, M. Badaire avait réuni les professeurs et les élèves de l’École normale et leur en avait donné lecture, leur demandant s’ils avaient quelques observations à faire ; tous déclarèrent qu’il était d’une exactitude scrupuleuse. Une copie en fut adressée à M. Théry, alors recteur à Clermont-Ferrand, qui avait eu connaissance d’une partie des faits relatés, et qui s’y intéressait d’autant plus qu’il avait eu occasion d’en observer de semblables au lycée de Versailles dont il avait été proviseur.

On trouvera beaucoup d’analogie entre l’histoire de J. et celle de Mlle R. L. (Revue scientifique du 15 juillet 1876, p. 69), mais il y a aussi des différences.

Les accès de somnambulisme sont à peu près quotidiens chez J., comme chez Mlle R. L., mais si celle-ci passe quelquefois du sommeil normal au somnambulisme, comme J., il lui arrive habituellement de tomber en somnambulisme alors qu’elle est éveillée. L’un et l’autre passent du somnambulisme au sommeil normal, puis se réveillent comme tout le monde, sans se douter de la modification qui a eu lieu dans leur sommeil.

  1. M. Janicaud s’est marié presque aussitôt après sa sortie de l’École normale. Il n’a eu qu’un seul accès de somnambulisme quelques jours après son mariage. Il est depuis ce temps directeur d’école primaire dans la Creuse.