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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/72

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qu’était sa vue à ce moment à ce qu’elle était huit jours plus tôt, et peut-on considérer comme absolument primitive une perception qui avait déjà huit jours de date ?

À l’égard de la vision qu’avait Marie V. de la profondeur de l’espace, il n’y a aucun doute, puisque cette vision était encore, au moment de notre examen, aussi rudimentaire que possible. Assurément aucun progrès n’avait encore eu lieu de ce côté ; car sur quoi ce progrès eût-il porté, du moment qu’il n’y avait rien de fait ? On dira peut-être que c’était déjà un progrès que de voir les objets projetés dans l’espace, fût-ce à une distance indéterminée, au lieu de les voir touchant l’œil. Mais à cela il est aisé de répondre. Ceux qui admettent que la vision primitive nous présente les objets touchant l’œil, comme ceux qui prétendent qu’elle ne possède absolument aucun caractère spatial, considèrent l’éducation du sens de la vue comme ayant pour résultat de nous permettre de voir, avec plus ou moins de précision d’ailleurs, les objets à leur vraie distance dans l’espace. Ni les uns ni les autres ne croient qu’avant d’arriver à cette localisation plus ou moins précise, l’œil passe par un état de localisation tout à fait indéterminée où tous les objets paraîtraient dans le même plan, sans que ce plan apparût à une distance quelconque. Si donc le nouveau clairvoyant passait par cet état, ainsi que nous avons cru le constater, il faudrait, de l’aveu même des partisans de l’opinion contraire, reconnaître que cet état est l’état primitif de sa vision, et non pas le résultat d’une éducation encore incomplète de l’œil.

À l’égard de la perception des formes et des dimensions superficielles, ainsi que des directions dans l’espace, comme cette perception était, au moment où j’ai examiné Marie V., arrivée chez elle presque à l’état de perfection, sauf bien entendu le degré de précision et de netteté, on a plus sujet de se demander si cette perfection relative n’était pas déjà le fruit d’une éducation de l’œil très rapidement faite, et si, par conséquent, nos observations portant sur une personne qui n’était plus une néo-voyante, du moins à cet égard, il y a lieu d’en tenir compte et de les discuter. Mais nous croyons que, sur ce point encore, aucun doute ne peut subsister. La vision des dimensions relatives, des formes superficielles, et des directions dans l’espace a été dès le premier moment chez Marie V. ce qu’elle était au moment où nous l’avons examinée. L’enfant n’a pas pu faire de progrès à ce triple point de vue dans les huit jours qui se sont écoulés avant qu’elle reçût ma visite, par la raison simple que sa vision, aussi bien sous le rapport des dimensions relatives, que sous celui des formes superficielles, que sous celui enfin des direc-