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elle a rompu le lien qui l’unissait à la charité de Jésus-Christ. Et per peccatum mors.

Voilà donc trois lois de la vie spirituelle que la théologie traditionnelle a déduites des textes scripturaires, bien avant qu’aucune des lois biologiques ait été découverte par la science positive. Or, il se trouve, dit M. Drummond, que ces lois de la vie spirituelle sont précisément identiques à celles que la science biologique a découvertes dans la vie naturelle. Que dit en effet la biologie ? Que toute vie vient d’une vie antérieure et extérieure, omne vivum ex vivo, c’est la loi de biogénésie, et c’est la première loi constatée dans le monde spirituel. « Celui qui n’a pas le Fils n’a pas la vie. » — La biologie dit encore que la vie « est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort », que la vie est une lutte contre les causes extérieures et intérieures de dissolution. C’est la loi de dégénération. N’est-ce pas aussi la seconde loi donnée par les théologiens au monde spirituel ? — Enfin, d’après M. Herbert Spencer, la mort a pour cause une cessation de correspondance de l’être avec son milieu. Le poisson meurt hors de l’eau ou dans une eau privée d’air, l’homme meurt dans le vide ou dans l’acide carbonique. C’est bien la troisième loi que la théologie a découverte dans le monde spirituel.

M. Drummond rencontre le même parallélisme entre les lois biologiques spirituelles de la théologie ancienne et les lois biologiques naturelles découvertes par la science de notre temps à propos de la croissance, de la mortification, de l’environnement, etc. Qu’il nous suffise d’avoir montré sa manière de procéder. Nous ne pouvons ici nous étendre plus longuement.

Son idée est donc que s’il y a un hiatus mystérieux et indéniable entre la vie de la chair et la vie de l’esprit, cependant les lois biologiques sont partout les mêmes, dans le monde spirituel elles ne sont pas autres que dans le monde naturel, et le savant qui passe de la science à la théologie ne se trouve pas dépaysé ; c’est une flore nouvelle plus brillante et plus riche qui se présente à ses regards, mais les lois qui la régissent ne sont pas autres que celles de Ia flore qu’il a l’habitude d’étudier.

M. Drummond s’est proposé un but d’édification et d’affermissement dans la foi plutôt que d’apologétique vis-à-vis des incrédules. S’il s’était proposé ce dernier but, il aurait évidemment échoué, car il faudrait d’abord leur prouver l’existence de ce monde spirituel, de cette vie de l’esprit. M. Drummond dit en un endroit (p. 377) qu’il existe une caractéristique au moins subjective de l’existence de cette vie. Pour que son ouvrage pût obtenir droit de cité philosophique, il eût fallu que l’auteur s’efforçat de découvrir les caractères objectifs qui doivent correspondre à cette caractéristique intime. Peut-être était-ce moins impossible qu’il ne l’a cru. Il y {a en effet des théologies chrétiennes qui exagèrent moins que ne le fait la théologie calviniste, l’hiatus qui sépare le monde de la grâce de celui de la nature.

G. Fonsegrive.