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EVELLIN.possibilité d’une méthode

voile semée d’obstacles où elle s’engage, sa première tentative se heurte à une première antinomie. À quoi bon, en effet, se tromper soi-même et atténuer la plus grave des objections ? Il est clair que nul esprit sensé ne Se ralliera jamais à l’hypothèse d’une méthode dont se réclameraient, en métaphysique, les doctrines les plus diverses. Le propre d’une méthode est d’être précise, définie, arrêtée dans ses grandes lignes et en quelque sorte rigide. Or la méthode qu’on propose est l’indétermination même et devient par suite indéfinissable. Sous quelle forme la concevoir et comment l’imaginer ? Est-elle indépendante de tout système ? Mais le vrai n’est sans doute qu’une conception déterminée et systématique. Faut-il dire au contraire qu’elle se prête à tous ? C’est qu’elle ne s’ajuste exactement à aucun. Idéalisme, empirisme, dynamisme la répudieront, et, pour se faire accepter, où sont ses titres ? Quel est son point de départ et son fondement ? Demeurer sur ce terrain est donc impossible, mais si l’on se tourne d’un autre côté, la situation n’est pas moins critique. Une méthode déterminée est une méthode spéciale, et une méthode spéciale est la méthode d’un système ou d’un groupe de systèmes, ce n’est plus celle qui doit s’imposer à toute pensée en face des problèmes du réel. Sans doute, dans la donnée où l’on se place quand on en fait choix, sa portée peut être décisive, mais sa base est, en réalité, trop étroite. On peut fonder ainsi une métaphysique particulière, celle de l’idéalisme ou du dynamisme, par exemple, non la métaphysique tout court.

Le dilemme paraît rigoureux et cependant la cause de la méthode n’est pas malgré tout désespérée ; une chance de succès demeure possible. Cette chance que des miracles d’habileté ne suppléeraient pas, nous sera-t-elle ou non refusée ? Elle dépend de deux conditions.

Expliquons-nous :

Pour échapper à l’alternative qu’on nous oppose, il faut, en premier lieu, qu’il se rencontre un fait d’une généralité absolue et d’une certitude incontestée, car il nous fournira la base à la fois la plus large et la plus solide ; il faut, en outre, qu’il se trouve seul dans ces conditions, car il doit s’imposer comme point de départ à tous les esprits.

Il faut ensuite et surtout que ce fait soit la traduction sensible, la vivante expression d’une vérité enveloppée en lui et saisissable à l’analyse.

Si cette condition, la plus importante, vient à manquer, la métaphysique, comme telle, demeure, en dépit de tous les efforts, impossible, car aucun principe susceptible de la fonder n’a l’appui d’un