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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/167

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j.-j. gourd. — morale et métaphysique

part, il y a une raison sérieuse contre l’idée même d’une règle ultra-phénoménale. Ainsi que le fondement de la coordination, la règle de la coordination ne saurait venir du dehors. Pour évaluer des objets, il faut pouvoir les rapprocher de leur principe d’évaluation, et cela suppose qu’ils sont en parenté avec ce principe, finalement que ce principe a été dégagé de leur nature intime. Si donc la règle venait de l’ultra-phénoménal, comment lui rapporterait-on les volitions phénoménales ? Y a-t-il un point de comparaison quelconque entre l’ultra-phénomène et le phénomène ? Y en a-t-il surtout si, comme on le dit, l’ultra-phénomène est un absolu, c’est-à-dire quelque chose qui n’admet point de degrés ?

D’ailleurs, ne compliquons pas gratuitement le problème. Nous n’avons pas besoin, comme on le prétend, de nous élever contre les faits, de les combattre, eux et les divers plaisirs qu’ils apportent, mais seulement de les distinguer hiérarchiquement. Nous n’avons pas besoin non plus d’une valeur superlative, mais tout simplement d’un principe de subordination ; et ce principe, nous l’obtiendrons, ainsi qu’il a été déjà dit, en limitant l’idée de plaisir par une autre idée, ou, si l’on aime mieux, en déterminant un point de vue spécial dans le point de vue général du plaisir. Au point de vue général, indéterminé, du plaisir, les faits ont tous la même valeur : mais que l’on restreigne ce point de vue, qu’on le limite par un autre, par exemple par celui de la quantité, et l’égalité de valeur disparaîtra aussitôt. Il y a du plaisir dans tous les objets de volition, mais il n’y en a certainement pas la même quantité dans tous. Or pourquoi ce point de vue spécial ne serait-il pas un point de vue du phénomène ?

Dira-t-on, en serrant la question de plus près, que nous n’avons pas le moyen de fixer scientifiquement ce point de vue spécial, que tous les points de vue se valent dans l’expérience, qu’il n’y a pas de raison phénoménale de préférer l’un à l’autre pour la coordination pratique ? À cela nous répondrons que, si tous les points de vue se valent dans l’expérience, cependant ils ne sont pas tous également propres à la fonction régulatrice dont nous nous occupons. Or nous avons bien le droit d’invoquer cette considération, et même d’y chercher notre critère. Encore une fois, quel est notre but ? C’est uniquement d’étabhr d’une façon satisfaisante pour la pensée, c’est-à-dire avec tous les caractères de la science, une mise en ordre des volitions, une coordination pratique. Aucune autre idée ne s’impose à nous ; pas plus celle de reproduire un code moral déjà connu, que celle de nous conformera une réalité donnée. Que notre coordination aboutisse, comme l’exige son caractère pratique, à une subordination ; que cette subordination, d’une part, ait une extension