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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/416

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Conclusion.

Notre étude, sur une malade atteinte d’aboulie et d’idées fixes, est encore bien incomplète et bien modeste. Nous n’avons pas essayé d’approfondir notre travail au moyen des hautes mathématiques, ou par des appareils d’une précision souvent trompeuse. La psychologie ne nous paraît pas assez avancée pour être susceptible de ces mesures ; la nature générale des phénomènes, leurs mille variations, leurs conditions changeantes ne sont pas assez connues pour que l’on se vante de mesurer un de ces faits isolé des autres. Il est inutile et même dangereux de prendre un microscope pour faire de la grosse anatomie, on s’expose à ne pas savoir ce que l’on regarde. Pour nous, la psychologie expérimentale est encore beaucoup plus simple : elle consiste avant tout à bien connaître son sujet, dans sa vie, dans ses études, dans son caractère, dans ses idées, etc., et à être convaincu qu’on ne le connaît jamais assez. Il faut ensuite mettre cette personne dans des circonstances simples et déterminées, et noter exactement ce qu’elle fera et ce qu’elle dira. Examiner les actes et les paroles, voilà encore le meilleur moyen de connaître un homme, et nous ne trouvons ni inutile ni fastidieux d’écrire mot à mot les divagations d’une aliénée. Cette méthode nous a permis de revoir ou de découvrir, chez la malade que nous avons étudiée, bien des choses qui ne sont pas sans intérêt pour la psychologie pathologique. Nous les résumerons ainsi :

1o Les symptômes présentés par notre malade peuvent être rangés en deux catégories : des phénomènes épisodiques variables, que le traitement peut facilement modifier, et des phénomènes plus profonds, constants et qui ne se modifient que très difficilement.

2o Les phénomènes qui nous semblent accessoires sont les idées fixes et les impulsions. Tout à fait analogues à des suggestions hypnotiques, ces idées fixes prennent leur origine dans une émotion, dans un incident quelconque qui a un moment frappé l’esprit de la malade ; elles peuvent se développer jusqu’à envahir complètement la conscience, et paraître un moment la maladie principale ; elles peuvent varier, disparaître sous différentes influences : les émotions, les crises ou le traitement hypnotique.

3o Il y a, au-dessous de ces idées, un état psychologique permanent qui explique précisément cette suggestibilité. Cet état se manifeste par l’aboulie, l’amnésie, les troubles variés de la perception ; il constitue le fond de la maladie. C’est lui qui a apparu le premier,