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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/424

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individuelle de toutes ses particules. Peu à peu cette vie s’est concentrée dans des germes ayant la faculté de se perpétuer et ils se. perpétuent pour la nutrition, la division, la conjugaison et, plus tard, la fécondation. Ces germes d’abord étaient nus. Aujourd’hui plusieurs sont restés tels dans une plus ou moins grande mesure et se composent presque entièrement, pour ainsi dire, de substance reproductrice, c’est-à-dire essentiellement vivante[1].

Les autres, dans la suite des temps, se sont revêtus d’un corps, d’une espèce d’enveloppe protectrice à développement considérable. La vie de cette enveloppe ne lui est pas inhérente, elle lui est acquise, elle lui a été communiquée par les germes qu’elle protège ou a protégés ; et au bout d’un temps plus ou moins long, devenue inutile, elle se flétrit et meurt. Pourquoi ?

Nous savons que la vie s’entretient par la nutrition. Se nourrir, c’est transformer en sa propre substance une substance étrangère. Le corps se forme et se répare par la nourriture. En dernière analyse, l’être vivant, quel qu’il soit, animal Carnivore ou herbivore, ou bien plante, fabrique du protoplasme avec la matière dite inorganique par l’intermédiaire, mettons de la chlorophylle et du soleil, source de lumière, de chaleur et d’électricité. Mais nous savons aussi que cette faculté assimilatrice va diminuant sans cesse, et qu’elle finit par s’annihiler complètement. La réparation de nos organes ne peut suivre leur usure, et un jour arrive où ils ne sont plus en état de remplir leur mission.

Comment expliquerons-nous cette dégénérescence ? Nous avons entendu M. Maupas invoquer l’analogie des mécanismes de fabrication humaine, et qui « se détériorent et s’usent par le jeu même de leurs fonctions ». Moi-même je n’ai pas dit autre chose. Recherchant les analogies entre nos machines et les machines animales, je notais en troisième et dernier lieu que les unes et les autres « sont sujettes à l’usure et deviennent à la longue impropres à tout usage ». Et j’ajoutais : « Voilà pourquoi tout ce qui vit vieillit et meurt ; la mort n’a pas d’autre cause[2]. »

  1. D’après les calculs de M. Maupas, il faut 10 millions de Stylonichia pustulata pour faire un centimètre cube, c’est-à-dire un gramme de protoplasme ; 10 billions pèseront donc un kilogramme. Une Stylonichia, qui, par une température de 23 à 26 degrés, se fissipare 5 fois en vingt-quatre heures, a formé ce kilogramme vers le milieu du septième jour. Quelques jours plus tard, elle pourrait avoir produit un poids de protoplasme égal à celui de notre globe. La fécondité d’un schizomycète, le bacillus subtilis, est encore bien plus effrayante. Il peut se diviser 48 fois en vingt-quatre heures, et en un jour donner naissance à 263 trillions d’individus, soit 310 centimètres cubes. Et les bactéries ?
  2. La matière brute et la matière vivante, pp. 115 et 116.