Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/496

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
486
revue philosophique

l’épigastre et dans le ventre ; elles s’étendent à la poitrine et à l’arrière-gorge ; il y a des battements, de la céphalalgie, de la constriction des tempes. » Le tableau ne serait pas complet si nous omettions la sensation générale « due à l’appauvrissement de l’organisme et à l’insuffisance de nutrition, sensation qui résulte elle même d’une infinité de sensations confuses, mal définies, et partant des diverses régions du corps. »

Telle est l’analyse de la faim d’après M. Beaunis ; très précise, très détaillée, elle nous donne une idée exacte de cet état de manque, de privation qui pour la psychologie dynamiste est à l’origine de tout besoin, et s’exprime par des sensations diverses ; mais ces sensations elles-mêmes sont des sensations de quelque chose, et l’analyse nous apprend encore qu’elles correspondent toutes à des mouvements arrêtés. Si l’on cherche à déterminer les conditions physiologiques de sensations de la faim, voici en effet ce qu’on trouve : « C’est pendant le repos de l’estomac que s’accumule dans les glandes gastriques la substance aux dépens de laquelle se formera, au moment de la digestion, le ferment actif du suc gastrique, la pepsine. Ces glandes sont à la fin de l’intervalle des repos dans un véritable état de turgescence.[1] » Ce qu’il vient de dire pour l’estomac, M. Beaunis croit pouvoir le répéter pour l’intestin ; enfin il signale le défaut du stimulus habituel, l’inirritation de Darwin, c’est-à-dire le non-exercice des activités spéciales à chacun des organes qui doivent entrer en fonction. Nous n’avons pas besoin de reprendre ce dernier phénomène et les précédents pour montrer qu’ils se ramènent tous à des arrêts de mouvements sécrétoires ou autres ; les sensations de la faim sont des sensations d’arrêt ; ainsi s’exprime à notre conscience l’état de privation où se trouve l’organisme ; c’est l’aspect négatif du besoin.

Quel sera l’aspect positif ? il est facile de présumer d’après l’analyse précédente que le besoin actif, le désir de manger proprement dit, pourra se ramener à un ensemble de sensations nouvelles correspondant à des mouvements commencés. La faim, même légère, peut déjà s’accompagner d’une représentation, l’image de tel ou tel mets propre à la satisfaire ; si la faim était nulle, cette image resterait confuse et passerait, mais si nous éprouvons déjà les sensations pénibles qui expriment l’état de besoin, nous accomplissons malgré nous les actes qui ont été déjà accomplis lors de la satisfaction antérieure du désir ; ce sont d’abord des mouvements de mastication et les sensations multiples qui constituent l’insalivation. Glandes

  1. Beaunis, Sensations internes, p. 82.