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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/541

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ANALYSES. — ch. secrétan. Les droits de l’humanité.

sur la caserne pour la protéger contre le socialisme… Éteignez la haine des classes en établissant l’harmonie entre les facteurs de la production et vous n’aurez plus besoin d’armée pour réprimer les troubles à l’intérieur… Alors la guerre n’étant plus le métier de personne, les partisans de la guerre… ne pesant plus d’un effort constant sur les conseils, l’antagonisme des intérêts nationaux changera de forme, si bien que l’inauguration d’un arbitrage perpétuel deviendra moins indispensable tout en cessant d’être impossible (pp. 321-322). » L’auteur en conclut que la voie la plus sûre pour arriver à la paix est de résoudre le problème social. On peut se demander si la réciproque n’est pas vraie et si le désarmement, à le supposer réalisé, ne serait pas la condition la plus favorable de la solution du problème économique, en supprimant les charges écrasantes sous lesquelles succombent les peuples. En somme, les questions sociales sont tellement solidaires qu’il est possible de les attaquer utilement par tous les bouts, et chaque question, sans que pour cela on doive perdre de vue son rapport avec les autres, peut être mise au premier plan. Celle de la paix le mérite entre toutes. M. Secrétan sait traiter comme il convient le sophisme des défenseurs de la guerre qui s’efforcent d’en faire l’unique école du courage et de la vertu, comme s’il manquait d’autres occasions plus avouables de courage, d’autres applications plus utiles de la vertu. Il est possible que la guerre ait été pour l’humanité une école nécessaire, du moins on peut s’efforcer de se consoler d’un mal en considérant les quelques bons résultats qui ont pu en sortir. Mais ni ces résultats ne peuvent transformer le mal en un bien, s’ils peuvent désormais être atteints autrement, ni ces consolations ne nous dispensent de travailler à la suppression du fléau. Quand on vient d’entendre les représentants très galonnés d’un matérialisme brutal, rendu plus odieux encore par ses allures mystiques, proclamer que la guerre est éternelle, qu’elle fait partie intégrante du plan divin des choses et qu’il est comme sacrilège de vouloir l’abolir, véritable blasphème, renouvelé de l’apologiste du bûcher par les apologistes du canon, contre la raison, contre l’idéal, contre tout ce qui peut prétendre au nom de divin, c’est un soulagement de voir cette thèse d’un fatalisme pieusement sauvage se heurter à la protestation indignée du philosophe, interprète des vœux, des espérances, des droits de l’humanité. M. Secrétan ne se fait pas d’illusion sur la valeur même du patriotisme, « culte sanguinaire, dont se détournent les cœurs droits et les esprits élevés ». « Les petits veulent la paix, conclut-il ; ils se tendent la main par-dessus les frontières et le rétablissement du passeport obligatoire n’y fera pas plus que sa suppression… Les peuples veulent la paix, ils ont droit à la paix. Les pouvoirs collectifs qu’ils entretiennent pour la leur garantir ne doivent pas servir à la rompre. Le droit de conquête est la négation du droit. L’esprit aspire à l’unité dans tous les domaines et dans tous l’unité vraie embrasse et conserve la diversité. Si pâle qu’en soit encore le crépuscule, le confédération universelle dans l’ordre politique est au bout de tous ces efforts désintéressés ; c’est l’état social