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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/552

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mais ses éléments ont été extraits des choses sensibles. Il fallait donc qu’ils y fussent, seulement ils y étaient singularisés, mais cela même ne peut être que parce qu’ils ont été pensés d’abord comme universels par l’intelligence créatrice. On sait que saint Thomas n’admet point la preuve ontologique, ce qu’on sait moins c’est qu’il en admet cependant le principe métaphysique, à savoir qu’en Dieu l’essence est identique à l’existence. Seulement Dieu seul, selon saint Thomas, peut assez bien voir cette identité pour dans son essence trouver son être, et ainsi la preuve ontologique fausse pour l’homme est vraie du point de vue divin.

Roger Bacon invoque constamment l’expérience et, selon lui, les mathématiques elles-mêmes ont besoin d’être expérimentalement vérifiées.

Notre auteur conteste que le Petrus Hispanus, auteur des Summulæ logicales, soit le personnage qui devint pape sous le nom de Jean XXI, et il semble avoir raison.

On lira avec intérêt l’étude sur Raymond Lulle et les chapitres consacrés à la philosophie arabe et à la philosophie juive. Je n’ai voulu ici que rappeler les résultats les moins connus du travail du cardinal Gonzalez. Ce n’est donc pas une analyse de son ouvrage que j’ai prétendu donner. Le lecteur aura intérêt à le consulter lui-même. Il attribue la décadence de la philosophie scolastique au nominalisme et à l’averroïsme. Il nous montre un scolastique obscur du xive siècle, nommé Holkot, discutant d’une façon remarquable la notion de cause et concluant plus de deux siècles avant Hume par ces paroles curieuses : Ergo non est possibile homini scire quæ res est causa effectiva alterius, vel scire an aliqua res creata sit causa alterius : ideo dico in hoc articulo, quod nulla est régula ad probandum certitudinaliter unam rem esse causam effectivam alterius, sed tenetur probabiliter quod a est causa b, quando videmus quod, posito communiter in diversis locis et temporibus aliquo tali, quale est a, statim invenitur aliquid taie quale est b.

Le tome troisième contient l’histoire de la philosophie de la renaissance et l’histoire de la philosophie moderne jusque et y compris Kant. L’auteur rappelle que Louis Vivès a exposé avant Bacon les lois de la méthode expérimentale. Il montre (p. 87) que ce sont les scolastiques qui ont fondé le droit des gens et que Grotius n’a fait que leur emprunter la plupart de leurs principes. Il signale parmi les Commentaires d’Aristote ceux du jésuite Tolet sur le De Anima et ceux du dominicain Javelli. On trouve dans la Philosophie morale chrétienne de ce dernier un traité très remarquable de pédagogie.

François Victoria émet des idées fort intéressantes sur les rapports réciproques de l’Église et de l’État. Soto démontre le droit de propriété par des arguments empruntés à la raison et qui sont ceux-là mêmes dont se servent aujourd’hui les économistes.

La caractéristique de la philosophie moderne est l’indépendance du