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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/654

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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


D. Ferdinand Suarez de Mendoza. L’audition colorée. Étude sur les fausses sensations secondaires physiologiques et particulièrement sur les pseudo-sensations de couleurs associées aux perceptions objectives des sons. Paris, O. Doin, 1890, in-8o, 163 p.

Tout le monde connaît aujourd’hui le phénomène si curieux et si bizarre auquel on a donné le nom, d’ailleurs inexact, mais aujourd’hui consacré par l’usage, d’ « audition colorée ». Des descriptions de ce phénomène ont paru dans des journaux de vulgarisation, et ont pu ainsi apprendre à bien des personnes qui ne s’en doutaient pas qu’elles étaient atteintes d’ « audition colorée ». À celles-là, il est inutile de chercher à décrire un état psychologique qu’elles peuvent étudier directement sur elles-mêmes. Quant aux autres personnes, à celles qui ne présentent aucun degré, aucune trace d’audition colorée, on éprouve parfois quelques difficultés à leur faire comprendre de quoi il s’agit. Prenons en effet l’audition colorée sous sa forme habituelle et courante : elle consiste dans ce fait que les lettres, les mots et les phrases paraissent avoir une couleur ; cette couleur, dont la nuance est parfois déterminée avec beaucoup de précision, reste constante en général pour chaque lettre et pour chaque mot ; ainsi, il y a beaucoup de personnes qui affirment que l’a est rouge, l’e est gris, l’i est noir, etc. Une telle affirmation paraît bien bizarre à ceux qui n’ont pas de l’audition colorée, et il ne faut pas s’étonner que tant de fois on l’ait révoquée en doute.

L’ouvrage que vient de publier M. Mendoza rendra, je l’espère, un grand service aux psychologues, qui sont appelés, à mon sens, à analyser le phénomène de l’audition colorée. Cet ouvrage a le mérite de réunir à peu près toute la littérature du sujet, et de montrer par conséquent jusqu’à quel point les observations concordent, quoiqu’elles émanent de personnes différentes. La meilleure garantie de la sincérité des observations, surtout lorsqu’elles portent sur des états subjectifs qui sont en général difficiles à contrôler, c’est leur concordance. Or, il est frappant de voir, en parcourant celles que M. Mendoza a réunies, combien de détails, en apparence insignifiants, se répètent. Il ne faut pas, ce nous semble, attacher une trop grande importance à la nature de la couleur désignée pour chaque lettre ; car si cette couleur reste toujours la même pour le sujet, elle varie beaucoup d’un sujet à l’autre ;