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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/673

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ANALYSES.stiborius. Catégories de la perception.

à plusieurs autres présomptions légales en vigueur dans le passé, et non moins surprenantes. Peut-être, j’y songe, l’atroce erreur qui a fait durer si longtemps la coutume de la torture a-t-elle la même origine. Ici et là, on retrouve cette même conviction fondamentale, qu’une vertu, non de sincérité seulement, mais de vérité est inhérente à la souffrance aiguë ; que tout ce qui est déclaré dans les tourments doit être nécessairement vrai. Voilà pourquoi, pareillement, la plus forte preuve de la divinité du christianisme, aux yeux de nos pères, c’était la proclamation de ses dogmes par les martyrs au milieu même de leurs supplices. « J’en crois des témoins qu’on martyrise », disait-on. Cela répond parfaitement au virgini parturienti creditur. Il y a bien du mysticisme, mais surtout quel pessimisme inconscient et profond, au fond de cette persuasion que tout nous ment excepté la douleur, que la souffrance seule est vraie !

Mais revenons aux filles-mères. Encore une fois, il n’est ni ne peut être question de favoriser le chantage, bien que, comme le dit très bien M. Rivet, le mal soit moindre « si quelques débauchés ou quelques imprudents chantent que si les femmes gémissent ou si les enfants pleurent ». « Il n’y a pas, dit-il encore ailleurs, de loi Grammont pour les enfants. » Tant pis pour les hommes qui n’auront pas senti la différence qu’il y a entre des relations de’passage et la vie pseudo-maritale avec une femme. « Qu’ils soient non pas seulement des mâles, mais des pères, » Il est possible — et c’est là l’inconvénient — que la réforme proposée, même réduite, comme je viens de le dire, ait pour effet un léger accroissement numérique des enfants naturels, car on a remarqué que leur proportion est particulièrement forte dans les États où il est permis de rechercher la paternité. Mais, en revanche, on a lieu de croire que la plaie des ménages irréguliers décroîtra, qu’il y aura moins de vitrioleuses, moins d’infanticides, ou moins de jurés disposés à couvrir ces méfaits de leur indulgence. Je trouve à ce propos M. Rivet un peu trop porté à s’appuyer sur les décisions incohérentes du jury, où il cherche un sens profond, à peu près comme les anciens théologiens qui s’évertuaient à chercher le sens spirituel caché sous les versets les plus surprenants du Cantique des cantiques. Quand je vois le jury acquitter des courtisanes quelconques qui vitriolent leurs amants de rencontre, j’en conclus seulement que le jury n’a pas le sens commun. Quant à un sens spirituel, j’avoue n’avoir jamais pu en découvrir dans ses verdicts les plus raisonnables. — Mais, cela dit, je ne puis que louer de nouveau le livre et l’entreprise de M. Rivet.

G. Tarde.

Stiborius. Die Kategorien der Sinnlichenperception (Les catégories de la perception sensible), 144 p. Gustav Fock’sche Verlagsbuch-handlung. Leipzig, 1890.

« J’appelle perception le rapport des formes mathématiques et physi-