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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/104

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vient dans sa préface que cette liste a été faite pour des lecteurs anglais, elle était présentée à un auditoire du Collège des ouvriers de Londres. Sa liste, nous dit-il, aurait été très différente s’il s’était adressé à des lecteurs français. En effet on pourrait en dresser un assez grand nombre d’autres. Si l’on est curieux de savoir quels sont les ouvrages français que sir John Lubbock recommande à ses compatriotes, en voici la liste : Le Bouddha et sa religion, par Barthélémy Saint-Hilaire, le Catéchisme de philosophie positive d’Auguste Comte, les Pensées de Pascal, le Discours sur la méthode de Descartes, Molière, Zadig de Voltaire. N’oublions pas que l’on n’a pu recommander aux lecteurs que les ouvrages dont il existait de bonnes traductions anglaises.

Je crains de n’avoir pas donné une idée suffisante des mérites du livre que je présente aux lecteurs de la Revue. Le traducteur nous dit dans une intéressante préface : « Il exprime des idées si justes, si saines, si nobles, si réconfortantes, si puissamment consolatrices, qu’il n’est guère possible d’employer mieux son temps qu’à le lire et le méditer. Il offre « ce remède de l’âme », remedium animæ, comme disent les écrivains du moyen âge, qu’aux heures de tristesse ou de défaillance quelques-uns puisent dans les testaments philosophiques que l’antiquité nous a légués, dans les écrits évangéliques ou dans les pieuses Imitations. » J’ai tenu à reproduire ces éloges pour montrer tout ce qu’on peut trouver dans ce livre et pour indiquer que c’est peut-être ma faute s’il m’offre, à moi, moins de ressources. J’ajouterai que, à mon sens, ces appréciations sont justes, si on leur enlève ce qui me semble une exagération, si on les transpose quelques tons plus bas. On voudrait rencontrer dans « le Bonheur de vivre » une sagesse un peu moins heureuse, un peu moins constamment souriante, un peu plus subtile, aussi. Ce n’est pas que l’on méconnaisse le charme de cette simplicité avenante et cordiale, mais l’on demande sans doute à un auteur autre chose que ce à quoi il semble, et c’est une illusion parfois, que l’on pense si facilement soi-même. À quoi il paraît facile de répondre que dans notre époque tourmentée et avide de raffinements plus ou moins sains, c’est précisément les idées simples qui viennent le moins naturellement et les sentiments simples et bons tout uniment, sans affectation ni recherche qu’il faut surtout développer. Il faut remarquer encore que le Bonheur de vivre « a été écrit pour des Anglais et que — je cite encore ici le traducteur — les conseils et les préceptes que nous donne l’auteur ont « une tournure britannique », que l’ouvrage est « anglais par son heureux et aimable optimisme, par sa cheerfulness, par son fond de préoccupations religieuses, par sa roide et sincère moralité, par son bon sens et par son sens pratique », et que, « enfin, il fait allusion à des habitudes et à des sentiments plus répandus chez nos voisins que chez nous. » Toutefois comme l’ouvrage a évidemment par lui-même une portée universelle et humaine autant qu’anglaise et que, nous dit-on, les préceptes de sir John Lubbock sont « applicables