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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/114

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dont Leibniz se rapproche désormais, mais qu’il apprécie surtout à travers saint Thomas d’Aquin, grâce auquel il a toutes garanties du côté des théologiens. C’est également à ce dernier qu’il semble emprunter le principe de continuité, qu’il reprend dans sa polémique avec Arnauld (1687-1689), en développant métaphysiquement et mathématiquement les fondements qu’il a jetés. Dans l’application biologique du principe de continuité, qui remonte à saint Thomas d’Aquin, les récentes découvertes des petits organismes, en particulier les travaux de Leeuwenhoek auraient d’ailleurs joué un certain rôle. Au contraire M. Stein rejette comme une fable l’influence de François Glisson, soutenue dans la thèse latine de H. Marion.

Dès le commencement du voyage de Leibniz en Italie (1687), les grandes lignes de son système sont arrêtées. Il en retardera néanmoins la publication pendant sept ans, et on sait que dans le Système nouveau de 1695, n’apparaissent pas encore les termes célèbres de monade et d’harmonie préétablie. M. Stein considère toutefois ce dernier terme comme ayant été inventé par Leibniz (dans sa polémique avec Foucher) et non pas emprunté par lui à Giordano Bruno ou à Nicolas de Cusa. Au contraire, l’expression de monade lui aurait été fournie par Franc. Merc. Van Helmont, qui le visita en 1696 et dans les écrits duquel cette expression joue un rôle considérable. Mais déjà, à cette époque, le système de Leibniz était complètement développé : il ne lui manquait qu’un mot qui le satisfît pleinement.

Une fois en possession de sa doctrine, Leibniz commence à prendre position contre le spinozisme (lettre à Arnauld de janvier 1688), mais il ne dédaigne nullement de lui faire des emprunts (tacitement, bien entendu), ainsi la désignation de l’âme comme automaton spirituale. Ce n’est qu’après 1698 qu’il change de tactique et adopte, vis-à-vis de Spinoza, l’attitude et le ton d’un ennemi ; désormais il indique son système des monades comme le seul moyen possible d’éviter la dangereuse erreur. Mais c’est là une attitude publique ; dans les écrits qui ne sont pas destinés à l’impression, il reste modéré et pleinement équitable pour le génie qui l’avait autrefois attiré.

M. Stein s’étend particulièrement sur l’ouvrage publié par M. Foucher de Careil comme une réfutation de Spinoza et qui n’est qu’un ensemble d’Animadversiones sur le livre de Wachter De recondita Hebræorum philosophia. Leibniz, loin de tenter une attaque en règle, a voulu simplement résumer, du point de vue élevé auquel il était arrivé, ce qu’il savait d’un système sur lequel il avait profondément médité. Mais les critiques qu’il ajoute n’ont guère de vivacité et elles n’épuisent pas les questions.

Les pièces inédites qui terminent l’ouvrage sont les suivantes (je ne parle pas de divers morceaux qui, pendant le cours de l’impression, ont paru dans le septième volume de l’édition de Gerhardt) :

1o Onze lettres de Schuller à Leibniz, trois de Leibniz à Schuller, de février 1677 à novembre 1678 ;