Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
172
revue philosophique

nature. Enfin, de tout temps, il y a des progrès techniques qui naissent et se répandent sans éveiller l’attention, bien qu’ils ne soient pas engendrés par une inspiration religieuse : nous en citerons un grand nombre quand nous viendrons aux temps modernes. À plus forte raison, l’histoire de ce temps a-t-elle laissé échapper un grand nombre de faits dont la relation nous eût été précieuse : et encore de cette histoire, nous n’avons que des débris ! Essayons cependant d’indiquer sommairement pour cette période l’état des techniques dont les changements ont pu influer le plus sur la technologie contemporaine.

Bien que plusieurs catégories d’objets fabriqués, qui sont de nos jours en fer, soient alors en bronze[1], l’emploi du fer s’est généralisé à mesure que les procédés de fabrication de l’acier se perfectionnaient. Par suite le mot χαλκεύς désigne l’artisan en métal par excellence, celui qui travaille le fer. On ne se plaint plus que les armes se faussent dans le combat. Les scies employées dans l’atelier de Byzès à Naxos (vie siècle) mordent assez bien pour tailler des tuiles de marbre. À Chios, dès le commencement du viie siècle, la soudure du fer a été découverte par Glaucos et l’invention a causé un grand étonnement dans tout le monde grec ; à Samos, vers la même époque, Théodore et Rhœcos ont réussi malgré les difficultés de l’opération à couler en fer des statues (de petite dimension sans doute). On voit dans les figures reproduites par Blümner que le fourneau du fondeur s’est peu à peu perfectionné. À partir du moment où Golœos dédie dans l’Hérason de Samos un bassin d’airain soutenu par trois colosses agenouillés, les mouleurs d’airain sont en mesure d’aborder les dernières difficultés de leur art ; Agéladas, l’Argien, monte de grandes pièces représentant des chevaux et des hommes, enfin Onatas d’Égine fait mouvoir au fronton des temples des groupes complexes. Cleœtos incruste l’airain d’argent ; Kanakhos mêle l’or et l’ivoire. Enfin une multitude d’ustensiles et d’outils en fer et en bronze remplissent les chantiers, les ateliers, les maisons ; partout l’instrumentation la plus variée rend sensibles aux yeux, d’ailleurs bien plus attentifs maintenant, les ressources de l’invention humaine.

Cependant l’œuvre frappe d’abord plus que l’instrument : on cite les artisans qui ont exécuté, les hommes politiques qui ont commandé des travaux remarquables ; les outils, les machines et les procédés techniques en général grâce auxquels ces travaux ont été exécutés, ont été inventés par des inconnus : la plupart du temps, ils

  1. Les mines, μέταλλα, sont mentionnées pour la première fois par Hérodote ; le travail du mineur était trop pénible et trop méprisé pour attirer l’attention autrement que par son côté économique.