Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
a. espinas. — la technologie artificialiste

Les événements heureux ou malheureux, la croissance et la dépérition sont dus soit à des causes externes, soit à des causes internes où les volontés divines ne sont pour rien. Cependant comme précisément la force de vie qui pousse les choses à leur développement n’est pas inépuisable, on comprit que ce qui a longtemps duré doit par cela même plus tôt finir, et que la nouveauté dans l’existence est pour tout ce qui est comme pour les êtres vivants une présomption de long avenir. Le temps fut donc divisé dans le sentiment vulgaire en deux périodes, le passé, domaine des choses mortes ou décrépites, l’avenir, domaine de la jeunesse et de la force. Ce fut une injure que de dire à un homme qu’il était du temps de Saturne et Aristophane nous montre un incrédule, un philosophe affublant de cette épithète un naïf qui croit encore à l’intervention des dieux dans les phénomènes météorologiques. Le temps n’était plus ce qui édifie, ce qui conserve et ce qui consacre ; c’était surtout ce qui affaiblit, ce qui épuise et ce qui ruine (Sophocle, Œdipe à Colone, v. 607). De telles dispositions sont celles où naît d’ordinaire la doctrine du progrès ; nous ne serons pas surpris de la voir couronner la philosophie de l’action chez les philosophes du ve siècle.

Nous avons vu au chapitre précédent que la monnaie avait sans doute été frappée à l’origine dans les temples. Il ne s’écoula pas un long temps avant que les pouvoirs publics s’emparassent de cette fabrication qui tenait aux intérêts les plus graves de l’État. Mais les empreintes gardèrent pendant plusieurs siècles encore un caractère exclusivement religieux. Les pièces frappées par les cités les plus avancées en culture et le plus pénétrées de l’esprit nouveau étaient destinées à circuler parmi des populations diverses dont quelques-unes ne pouvaient concevoir d’autre garantie que celle de la religion, et d’autre part il importait de respecter les habitudes des commerçants, attachés aux anciens types. C’est ainsi que la monnaie d’Athènes garda toujours la tête de Minerve à la face et la chouette au revers. Mais on voit dans la première moitié du v e siècle d’autres villes, peut-être plus profondément remuées qu’Athènes par les révolutions politiques, une ville sicilienne entre autres où la tyrannie était depuis longtemps établie, Syracuse, introduire sur leurs monnaies des allusions à des événements historiques contemporains. Géion et le premier Hiéron, tout fiers de leurs victoires aux jeux olympiques, font graver sur leurs coins des quadriges. Zanclé, la ville qui précède Messine, fait représenter sur les siens la faucille par allusion à la forme de son port. Plus tard « Agathocle voulant laisser sur la monnaie un souvenir de la défaite des Carthaginois y fit représenter la Victoire élevant un trophée composé d’armes