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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/203

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a. bertrand. — un précurseur de l’hypnotisme

les prodiges qu’il raconte ; et que cet auteur enthousiaste pourrait bien avoir inventé un conte pour confondre les incrédules qui se permettaient de tourner en ridicule son système sur l’électricité du corps humain », il est naturel que les étrangers le croient sur parole : aussi parmi les deux cent soixante-treize auteurs que cite Hack Tuke dans son livre sur le Corps et l’Esprit, on trouve le nom de Richerand mais nullement celui de Pététin. Je ne rencontre qu’un seul contemporain qui paraisse connaître l’auteur de l’Électricité animale autrement que par de banales citations et lui rende pleine justice, c’est le docteur Ochorowicz, dont l’appréciation parfaitement juste et bien motivée doit être citée comme la meilleure justification de cette étude : « Un médecin distingué de Lyon, président de la Société médicale de cette ville, fut amené à constater les phénomènes les plus merveilleux de l’hypnotisme. Il était sceptique et adversaire du Mesmérisme, mais le hasard voulut qu’il fût obligé de reconnaître une série de faits beaucoup plus extraordinaires que tous ceux que Mesmer avait annoncés. Ses travaux sur la catalepsie, sur l’action de l’aimant, sur celle de l’électricité, sur le phénomène dit de transposition des sens, etc., et enfin sur celui de la suggestion mentale, constituent une époque en magnétisme. Ils sont aujourd’hui absolument ignorés (c’est l’auteur qui souligne le mot) ; mais comme il s’est écoulé juste un siècle depuis qu’il a observé certains faits, je ne doute pas qu’un beau matin on ne nous annonce qu’un hypnotiseur de Lyon ou de Paris les a découverts de nouveau et que, grâce à son ingéniosité, à son autorité, et à l’ignorance de l’histoire, il s’est formé une nouvelle école hypnotique[1]. » Étudions d’abord les faits tels qu’ils sont décrits dans les quatre relations médicales qui forment le traité de l’Électricité animale, que ces faits aient été contrôlés par la science contemporaine ou qu’ils n’aient pas encore reçu du temps et de la science leur vérification et leur consécration ; nous nous occuperons ensuite, mais plus brièvement, des conséquences que notre auteur croit pouvoir en tirer et des théories psychologiques qui lui sont propres.

II

L’étrange phénomène du transfert sensoriel ou de la transposition des sens fut celui que Pététin observa d’abord chez sa première cataleptique et qui ne cessa jamais de lui paraître le plus extraordinaire.

  1. De la suggestion mentale, par le Dr J. Ochorowicz, p. 269. — Il importe de remarquer que le Mémoire de 1787 ne contenait guère que des conclusions formulées dans un langage précis et scientifique ; il était divisé en deux parties et avait pour titre : Mémoire de la découverte des phénomènes que présentent la catalepsie et le somnambulisme. Je n’en ai jamais vu d’autre exemplaire que celui de la Bibliothèque publique de Lyon. Dans l’Électricité animale, l’auteur prend le ton du récit et de la relation, il est généralement moins précis et moins scientifique : c’est seulement ici qu’il donne des détails, cite ses garants et ses autorités et par conséquent se met à l’abri des reproches formulés par Richerand, qui peut-être ne connut que le Mémoire de 1787.