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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/238

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morts dans les inania regna. Ils se figurent pour ainsi dire le monde mental avec le seul sens de la vue, comme un monde de formes, de dessins et de couleurs, le tout lumineux, mais sans chaleur, sans consistance et sans vie. À ce panorama tout intellectuel, la psychologie des idées-forces substitue l’action ; elle considère les idées comme des formes non pas seulement de la pensée, mais du vouloir ; ou plutôt ce ne sont plus des formes, mais des actes conscients de leur exertion, de leur direction, de leur qualité, de leur intensité. Dès lors, les idées et états psychiques peuvent redevenir des conditions de changement interne, devrais moteurs du développement humain, des pulsations de la vie et des tendances de la volonté. En même temps, il n’y a point d’état mental sans un état cérébral, parce que ces deux états sont deux extraits d’une réalité unique et totale, qui comprend à la fois tous les rapports mécaniques et tous les faits de sensibilité et de conscience ; les conditions de changement interne se trouvent donc être, en même temps, des conditions de changement externe.

Ainsi conçue, la psychologie a pour objet des réalités, non plus de simples reflets de la réalité, puisque les faits de conscience sont des éléments intégrants de la réalité complète. Les mouvements, de leur côté, sont d’autres phénomènes abstraits du tout : ils sont l’aspect de la réalité qui peut s’exprimer en sensations visuelles ou tactiles et en rapports dans l’espace entre les causes de ces sensations. C’est par artifice que pour faire de l’état mental un reflet et de la psychologie une science toute superficielle, on oppose l’état mental, la sensation par exemple, à une réalité différente de lui-même. Primitivement, ce que nous sentons et la sensation que nous en avons, c’est une seule et même chose : τῶυτόν ἐστι. — On objectera que le son de la cloche et la vibration de la cloche sont choses différentes. — Sans doute, mais ce que nous sentons n’est nullement la vibration de la cloche, ni même la vibration de l’air, ni même la vibration cérébrale : l’ensemble de ces vibrations est une construction ultérieure de notre intelligence, dont les éléments sont empruntés au sens du tact et de la vue, au lieu d’être empruntés au sens de l’ouïe. En croyant par là concevoir le réel de la sensation de son, comme le prétendent Maudsley et Spencer, nous concevons simplement des phénomènes concomitants, d’autres parties ou éléments du processus total, avec d’autres rapports à d’autres sens. Nous disons : si, en même temps que j’ai la sensation de tel son, je pouvais voir ou toucher les molécules de mon encéphale, j’aurais une vision ou un toucher de parties vibrantes en même temps que j’aurais toujours ma sensation de son. Mais cette sensa-