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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/240

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temps, dont le mental exprime certaines qualités plus intimes et plus profondes. C’est le mouvement, lui, qui est un mode de représentation, grâce auquel nous nous figurons dans l’espace des actions et réactions qui, par elles-mêmes, peuvent et doivent n’avoir rien de spatial. Nous avons donc le droit de conclure que la psychologie roule sur le réel, et même sur le réel par excellence.

II

Le problème psychologique, tel que nous l’avons formulé tout à l’heure, est très différent, sous plus d’un rapport, du problème que se posent les sciences physiques et naturelles. Les phénomènes qu’étudient les sciences vraiment objectives — pesanteur, son, couleur, etc. — sont toujours, sans doute, des phénomènes pour un être sentant, pour un sujet auquel ils apparaissent ; mais, comme il n’importe nullement que ce sujet soit Pierre ou Paul, comme de plus ce n’est pas la relation au sujet qui est à étudier ici, mais au contraire l’objet, dépouillé autant que possible de cette relation, il en résulte qu’on abstrait la relation et qu’on la néglige. Dès lors, en parlant de phénomènes physiques, chimiques, etc., on distingue simplement une classe générale de phénomènes d’une autre classe de phénomènes, indépendamment du fait d’être senti, perçu, pensé, voulu, etc. Mais, dans la psychologie, on ne peut plus prendre ainsi le mot de phénomène abstraction faite d’une relation quelconque au sujet sentant et conscient, car c’est précisément ce rapport à une conscience actuelle ou virtuelle qui constitue et caractérise le phénomène comme psychique. Une douleur, une pensée, une volition ne peuvent plus être considérées comme des phénomènes en l’air, simplement distincts l’un de l’autre à la façon d’une vibration sonore et d’une vibration lumineuse. La douleur, la pensée, la volition sont toujours la douleur de quelque sujet, la pensée de quelqu’un, la volition de quelqu’un, quoiqu’il n’importe pas que ce soit Pierre ou Paul. Au reste, la vibration sonore et la vibration lumineuse redeviennent elles-mêmes des phénomènes psychiques dès qu’on les considère en tant que faisant partie d’une conscience ou expérience quelconque, en tant qu’appréhendées sous forme de sensations. La subjectivité, le rapport à un sujet sentant, est donc bien caractéristique du point de vue psychologique. Le problème de la psychologie peut alors prendre cette forme : — Comment les phénomènes sont-ils donnés à une conscience, et qu’est-ce qu’un sujet par rapport aux objets ?