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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/255

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a. fouillée. — le problème psychologique

manières. C’est une sorte d’expérimentation intérieure. Le subjectif y existe partout, mais il y est toujours incorporé dans l’objectif et devient objet de science par son côté « représentable ».

Concluons que la conscience n’est ni une faculté distincte, ni un acte distinct, ni même un fait distinct ; elle est simplement un caractère commun, constant et immédiat des faits psychiques. C’est parce que ces faits sont essentiellement conscients qu’il n’y a pas de « conscience ». Le mot de conscience exprime simplement cette propriété originale de tous les phénomènes mentaux qui fait qu’ils sont éprouvés en même temps qu’ils sont, et ne sont qu’en tant qu’éprouvés. Et le fait conscient n’est véritablement tel que sous forme spontanée et subjective : la forme réfléchie et objective se réduit à une nouvelle combinaison de faits spontanément conscients.

V

Une dernière preuve de l’activité mentale, c’est l’essentielle intensité des états psychiques, qui est un des éléments principaux de leur force. Un préjugé répandu fait venir du dehors l’idée d’intensité : on en place l’origine et les applications principales dans ce qu’on appelle les forces extérieures. À notre avis, c’est par simple projection de l’intensité psychique dans les objets physiques qu’on attribue à ces derniers une grandeur intensive. Nous nous plaçons donc à l’antipode de ceux qui veulent réserver l’intensité aux objets extérieurs, qui vont même jusqu’à prétendre, comme on l’a fait récemment, que les états mentaux n’ont pas d’intensité et sont qualité pure[1]. Nous soutenons, au contraire, que seuls les états mentaux ont une intensité directement appréciée, non induite, et que, s’ils ne l’avaient pas, nous ne pourrions pas même concevoir l’idée d’intensité. Ou l’intensité est illusoire, ou nous en avons conscience : il n’y a pas de milieu.

Nous allons plus loin encore et nous disons : l’intensité est tellement inhérente à la sensation, à l’émotion, à l’appétition, qu’on ne peut se représenter un état de conscience qui n’aurait pas un certain degré, qui ne serait pas plus ou moins fort ou plus ou moins faible, qui n’envelopperait pas, en d’autres termes, un déploiement d’activité plus ou moins énergique en tant que puissance exercée, et aussi plus ou moins énergique en tant que plus ou moins contrebalancée par la résistance. S’il existe d’autres êtres sentants qui ont

  1. Voir M. Pillon, M. Bergson et certaines pages de M. Pierre Janet.