Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
251
a. espinas. — la technologie artificialiste

de l’évolution ne fournit pas un moins bon critérium de l’espèce dans les phénomènes de la vie que la forme et l’aspect (la marche des maladies virulentes n’est-elle pas révolution des organismes invisibles qui les causent ?) ; et il avait, en s’aidant de ces données sur les temps, discerné et décrit un certain nombre de maladies que la pathologie moderne a reconnues avec certitude : quant au point de vue pratique, non seulement il avait su, par la sûreté de ses diagnostics en beaucoup de cas, obtenir des malades comme des assistants ce degré de confiance et de respect sans lequel il n’y a pas de traitement médical possible, mais encore il avait appris à mieux adapter ses prescriptions aux circonstances si diverses et si rapidement modifiées que présentent les maladies aiguës[1].

« Ce qui est du plus haut prix pour le médecin, c’est la guérison du malade[2]. » C’est le bien de l’homme dont l’art est le ministre. « Là où est l’amour des hommes, φιλανθρωπίη, est aussi l’amour de l’art, φιλοτεχνίη, [3]. » La mesure du succès n’est ici ni une balance ni un nombre quelconque, c’est la sensation, c’est le soulagement éprouvé, c’est la douleur vaincue[4]. Quelque valeur qu’aient les doctrines, elles doivent aboutir à l’action ; l’art est jugé par l’œuvre[5].

Il est des cas où son plus heureux effet pour le bien du malade est de conseiller au médecin l’abstention. Quand on ne peut être utile, il faut du moins faire en sorte de ne pas nuire[6]. Je ne parle pas de ces abstentions qui sont déterminées par des motifs intéressés, comme la crainte des responsabilités, et dont un auteur de la collection hippocratique fait une règle très discutable[7] : je parle de ces abstentions inspirées par le doute sur l’innocuité des moyens employés traditionnellement, ou sur l’opportunité de leur emploi

  1. Cf. Littré, t.  I, p. 455, Introduction, etc. Hippocrate, le Pronostic, t.  II, p. 110. Selon Daremberg, Histoire des sciences médicales, t. I, p. 109, les grandes divisions nosologiques d’Hippocrate sont : les fièvres, les affections de poitrine en général, la pneumonie en particulier et les empyèmes (sortes d’abcès extérieurs), les affections du foie, de la vessie, de l’oreille, de la tête, du pharynx. Parmi les fièvres pernicieuses, la fièvre rémittente ou continue a été de la part du médecin grec l’objet d’une étude tellement exacte et complète qu’elle concorde de tous points avec les descriptions qu’en ont faites divers médecins modernes qui l’ont soignée dans les pays chauds. La saignée au début leur a donné comme à Hippocrate d’excellents résultats.
  2. Des Articulations, cité par Littré, t.  I, p. 467.
  3. Préceptes, Littré, vol. IX, p. 259.
  4. De l’Ancienne médecine, I, p. 588 : μέτρον δε οὐδὲ σταθμὸν οὐδὲ ἀριθμὸν οὐδένα ἄλλον…… οὐκ ἂν εὐροίης ἄλλ' ἢ τοῦ σώματος τὴν αἴσθησιν. Cf. Des lieux dans l’homme, VI, p. 341, §  44.
  5. De la Bienséance, vol. IX, p. 233. Je crois avec Littré., p. 417, vol. I, ce petit traité fort ancien, sinon antérieur à Hippocrate.
  6. Des Épidémies, livre I.
  7. De l’Art, vol. VI, p. 15.