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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/308

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artères distendues davantage fournissent alors à ces ganglions une quantité plus grande de sang, par suite de quoi se trouvent augmentés du même coup et leur activité fonctionnelle et les produits spéciaux de cette activité, produits qui, nous le savons, ne peuvent être que des influx nerveux. Les petites masses ganglieuses projettent de pareils influx dans deux directions dont l’une centripète et l’autre centrifuge par rapport à l’axe médullaire… Projetés par des ganglions spinaux plus actifs, les influx centrifuges deviennent comme les autres plus énergiques, mais pour eux cette circonstance a cela de particulier qu’elle les rend capables d’entrer en conflit avec les causes ambiantes, et cela revient à dire qu’elle rend possible ce phénomène de l’impression par lequel débute forcément toute activité propre aux nerfs sensitifs. ».

Si les conditions du sommeil ne sont pas favorables à l’exercice de la sensibilité, elles n’ont, d’après M. Serguéyeff, rien de contraire à l’exercice de la motricité. L’incapacité de se mouvoir n’est pas, pendant le sommeil, un fait général et nécessaire, « elle n’a rien ni d’essentiel, ni d’inéluctable en soi ». L’inaction de la plupart des nerfs moteurs n’a ni la fatigue pour cause, ni le repos pour objet, quelques-uns fonctionnent d’ailleurs pendant le sommeil avec plus de vigueur que durant la veille ou avec une vigueur égale. C’est ainsi que les muscles qui servent à l’élévation de la mâchoire inférieure sont généralement mis en activité tandis que nous dormons.

Les idées de M. Serguéyeff sur le rêve se déduisent bien de sa théorie générale. L’hypérémie des parties centrales du cerveau et l’anémie relative de l’écorce cérébrale expliquent les phénomènes psychiques qui se produisent pendant le sommeil. L’auteur examine avec beaucoup de minutie les différents caractères du rêve, l’illusion, la forme particulière des raisonnements. Il se prononce pour la continuité de la conscience, il admet que durant le sommeil l’activité célébrale est même plus grande que pendant la veille. « Pour mon compte, dit-il, je n’ai guère de doute à ce sujet, et il me semble de prime abord certain que le rendement morphéique du cerveau l’emporte de beaucoup sur son rendement vigil. » Il appuie cette conclusion paradoxale sur la rapidité des images dans les rêves, rapidité dont certains exemples sont bien connus. Les théories de l’auteur ne paraissent pas toujours acceptables ; il a une conception du relief et une généralisation de ce phénomène qui me paraît impliquer des confusions assez graves. Il admet comme vraies des théories bien contestées, celle par exemple qui fait des couches optiques une sorte de sensorium. Voici son explication des illusions du rêve. « À mon sens, écrit-il, aucun des hypnologues contemporains ne distingue assez nettement le fait pour ainsi dire brut de l’illusion morphéique d’avec les rêves ultérieurs qui, de diverses manières, s’y rattachent, et d’avec ceux actuels qui peuvent les modifier, ou qu’à son tour elle peut influencer. Ce fait simple, il importait selon moi de l’envisager isolément de toutes les autres circonstances qui lui sont collatérales ou subséquentes ; l’ayant envisagé de la sorte, nous avons pu nous