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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/364

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Si l’on opte pour la première de ces deux thèses, de beaucoup la plus vraisemblable, à notre avis, il faut en donner les raisons, et, avant tout essai de construction réaliste, débuter par une étude psychologique dont le but serait de fonder sur des bases solides et indiscutables la supériorité de l’action sur tout le reste.

La démonstration n’est nullement impossible ; nous croyons même que les raisons alléguées par Schopenhauer et M. Wundt sont de celles qui finissent par s’imposer, mais ce que nous tenons à faire observer, c’est que, pour le moment et dans l’état actuel de nos connaissances, une telle démonstration est indispensable.

Supposons pourtant que la primauté de l’action soit établie. Admettons qu’il soit pleinement acquis pour tous que la pensée n’est qu’un mode et une forme de la spontanéité fondamentale. Nous tenons le point de départ. Soit. Sommes-nous sûrs maintenant d’aller au but ?

On peut le croire, et même, sous certaines réserves et avec certains tempéraments, nous le croyons. Il faut prendre garde, toutefois, que l’analogie, comme procédé, manque de rigueur, et que, dans le cas présent, sa fécondité est limitée. Les résultats qu’elle nous fournit, on va le voir, ne sont et ne peuvent être que partiels.

Passons rapidement sur les inconvénients de la méthode. L’analogie, on le sait, pose a priori la ressemblance qui, pour elle, existe en principe et est de droit ; puis, comme la ressemblance sans réserve ni correctif serait l’identité même, elle interroge les faits et les examinant groupe à groupe, elle cherche dans quelle mesure les réponses de l’expérience limitent la supposition première, pour obtenir les différences dont elle a besoin. Voilà en gros le procédé. Il est, on le conçoit, d’un maniement des plus difficiles, mais, dans le cas présent, l’embarras redouble, parce que le principe et le fait sont, plus que nulle part, en conflit. Par exemple, si l’on suppose, au début, que le vouloir, tel que la pensée humaine en prend conscience, est celui de tous les êtres, l’observation est là pour infirmer l’anticipation première, car il est trop clair que de l’esprit à l’atome, à mesure qu’on descend les degrés de l’échelle, le vouloir s’atténue et se dégrade au point, semble-t-il, de s’effacer absolument. Cependant, si la nature est vraiment une, quelque profonde et essentielle analogie relie entre eux tous les êtres, et le vouloir, au cas où il disparaîtrait comme acte humain, doit se retrouver en toute réalité, sous quelque forme rudimentaire qui ne disparaisse jamais. Existe-t-il donc un élément essentiel et constitutif du vouloir, et, s’il existe, comment le nommer ? Est-ce l’action spontanée et autonome ? Peut-être, mais que faire alors de la prévision du but et de la pensée ? Faut-il dire que l’intelligence n’entre en scène et ne s’associe à la