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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/367

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f. evellin. — méthode dans les problèmes du réel

qui nous sépare du but, lorsque nous nous sommes contentés d’émettre une hypothèse vraisemblable ou même pleinement justifiée sur la nature de l’être. S’arrêter lorsqu’on a posé en principe qu’il est pensée ou action, c’est s’arrêter au moment même où l’on vient de saisir et de fixer l’objet de l’étude qu’il faut entreprendre et qui reste encore presque toute à faire. Or, qui ne voit que l’analogie, utile au début et dans une première phase de recherches, perd à peu près toute vertu comme toute raison d’être dès que le réel est défini ? Son emploi sera des plus limités lorsqu’il s’agira des conditions objectives et des raisons supérieures du temps, de l’espace, du mouvement ; les problèmes, plus élevés encore et plus loin de nous, qui visent l’origine et la fin des choses, la valeur et l’emploi possible du principe d’identité dans le réel sont visiblement au-dessus de ses forces et ne peuvent plus rien lui demander.

Concluons donc que le procédé d’inférence plus ou moins vague qui se fonde sur la possession présumée d’un absolu intérieur est utile sans se suffire. C’est un auxiliaire, au besoin même un moyen de vérification précieux, mais s’il faut que la méthode réponde aux exigences variées du problème métaphysique, celle que nous venons d’esquisser n’est ni assez précise dans le détail ni assez large pour le but qu’on veut atteindre. Comme instrument usuel et toujours prêt, comme principe fécond de découverte, comme moyen essentiel de solution, il faut l’écarter.

Il ne reste dès lors qu’une voie à suivre, et, si le réel nous* est accessible, si la pensée humaine peut se promettre d’arriver à quelques résultats sûrs, à quelques connaissances liées et systématiques dans l’ordre de questions qui l’intéresse le plus, c’est le phénomène qu’il faut interroger et qui doit répondre. Le phénomène, en effet, est, le moi écarté, la seule donnée immédiate du sens intime ; nul d’ailleurs ne met en doute son existence, et qu’on le diminue ou qu’on l’exalte, personne ne le nie ; il a l’évidence du fait. Mais comment demander l’absolu à ce qui, par essence, est relatif, et, au cas où le phénomène cacherait en lui le secret de l’être, à quelle épreuve le soumettre pour le contraindre à nous le livrer ? Là est tout le problème. Dès qu’il se pose, les divergences apparaissent, mais quelle que soit leur variété, elles se laissent facilement ramener aux deux points de vue généraux de l’analyse et de la synthèse, les seuls procédés, en définitive, que l’esprit applique et puisse appliquer au travail discursif de la méthode.