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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/379

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a. calinon. — les espaces géométriques

d’un pareil espace peut être reproduite identiquement en tout autre point de ce même espace.

Mais on est amené par les considérations suivantes à envisager d’autres espaces plus généraux que ces espaces identiques. Les mathématiciens savent par quel procédé de généralisation, en géométrie ordinaire, on passe de la géométrie plane à la géométrie dans l’espace, par exemple de la ligne droite au plan, du cercle à la sphère, etc. ; ce procédé de généralisation devient en quelque sorte tangible dans la géométrie analytique ou cartésienne où les lignes et les surfaces sont représentées par des équations ; ainsi, le passage du cercle à la sphère est mis immédiatement en évidence par l’analogie des équations qui représentent le cercle et la sphère. Or ce procédé de généralisation qui permet de passer d’une ligne à une surface permet aussi de passer d’une surface à un espace à trois dimensions ; toute la géométrie générale est contenue dans cette simple remarque : citons quelques exemples pour préciser ce point.

En géométrie ordinaire, une sphère est une surface telle qu’une figure qui y est située peut s’y déplacer sans changer de forme : deux sphères diffèrent de forme par leur rayon ou, ce qui revient au même, par leur courbure, et une figure ne peut être transportée, sans changer de forme, d’une sphère sur une autre de courbure différente. Les espaces à trois dimensions correspondant à ces sphères seront caractérisés par les mêmes propriétés ; on retrouve ainsi les espaces identiques, les seuls où une figure puisse se déplacer en tout sens sans déformation ; de même que deux sphères, deux espaces de ce genre diffèrent par leur courbure et une figure située dans l’un d’eux ne peut être introduite dans l’autre sans déformation. Prenons maintenant, en géométrie ordinaire, une surface plus complexe, par exemple celle d’un œuf amincie à une de ses extrémités et renflée à l’autre : on voit tout de suite que si l’on détache une partie de la surface sur l’extrémité mince, on ne pourra pas appliquer cette partie sans changement de forme sur l’extrémité renflée. Donc, sur une pareille surface, le déplacement d’une figure n’est pas possible sans changement de forme. Pour la même raison, la ligne de plus court chemin sur cette surface varie de forme suivant la position des deux points que réunit cette ligne : nous déduisons de là un espace à trois dimensions ayant en chacun de ses points, comme cette surface, une forme particulière ; nous voulons dire par là que chaque partie de cet espace aura ses figures et ses lignes de plus court chemin lesquelles ne pourront être les mêmes en une autre partie de ce même espace.

Ces exemples suffisent pour bien faire comprendre ce que sont les