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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/390

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Ces deux interrogatoires sont complets. Je pourrais procéder d’une autre manière : prendre chacun des termes généraux (loi, cause, nombre, etc.) et énumérer les réponses obtenues, parmi lesquelles il s’en trouve souvent d’identiques. Cette énumération serait très longue et superflue. Je ne puis cependant omettre quelques remarques de détail.

Pour le mot cause, plusieurs personnes (femmes, artistes, gens du monde) ont répondu : « cause célèbre », « procès célèbre », et le plus souvent en ont désigné un, d’ordinaire récent. La première fois, cette réponse m’a contrarié et m’a semblé inutile pour mon questionnaire. Plus tard, au contraire, je l’ai jugée instructive, parce qu’elle caractérise mieux qu’une définition le type que je nomme concret et le tour particulier de ce genre d’esprit, pour qui le sens abstrait ne se présente pas.

Je note aussi deux réponses qui m’ont été données immédiatement par un peintre célèbre : Nombre : je vois beaucoup de points brillants. Loi : je vois des lignes parallèles. (Est-ce l’idée inconsciente du nivellement par la loi ?)

Les termes bonté et vertu ont donné lieu à des réponses très faciles à résumer : elles forment deux catégories : 1o rien ; cette réponse n’appartient pas au type concret ; 2o une personne déterminée qui a toujours été nommée et qui en devient l’incarnation, la représentation concrète.

Presque toutes les images évoquées appartiennent au sens visuel, cependant le mot force a évoqué le plus souvent des images musculaires pures ou accompagnées d’une représentation visuelle vague. Exemples : voir quelqu’un soulever un poids, je vois vaguement quelque chose qui tire ; un poids suspendu à un anneau ; une ficelle qui tire un clou ; la pression de mon poing dans un fluide ; le maréchal de Saxe brisant un écu de six livres, etc., etc.

Je viens de décrire la forme ordinaire et principale du type concret. Elle consiste dans la substitution immédiate et spontanée d’un cas particulier (fait ou individu) au terme général. D’après plusieurs observations, je crois pouvoir noter une variété un peu différente : je l’ai rencontrée chez quelques historiens et érudits. Dans le type ordinaire, on pense le tout (général) au moyen de la partie (concret) ; dans la variété, on pense par analogie et le mécanisme paraît se réduire à une pure association. Quelques exemples feront mieux comprendre les différences. Les réponses données en double appartiennent chacune à des personnes différentes.

Nombre : la « Langue des calculs », Pythagore. Cause : la théorie de Hume sur la causalité ; la théorie de Kant. Loi : les « tables de