Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
427
société de psychologie physiologique

Il semble qu’il y ait là une intention politique qui pourrait au premier abord faire suspecter la sincérité de l’enfant, mais il faut reconnaître que l’attitude du clergé, et en particulier de l’évêque de Périgueux, a été tout d’abord fort réservée, et bientôt nettement hostile.

Les apparitions se multiplièrent très vite, il y en avait eu plus de douze du 16 juillet au 4 août. Chaque fois que les voyantes allaient au Pontinet, elles voyaient la Vierge. Les enfants, les femmes, les paysans même se rendaient en foule au mur miraculeux. Chaque jour, la Vierge apparaissait ; tantôt elle était vêtue de noir, tantôt de vêtements blancs, elle était enveloppée parfois d’une « robe de lumière » ; certaines gens disaient qu’elle avait à la poitrine et aux épaules des chandelles allumées. On récitait le chapelet, agenouillé sur le sol rude de la lande, parmi ces grosses pierres, semées çà et là, que la petite Marie comparait à des pierres tombales. On chantait des cantiques, des litanies ; on brûlait des cierges ; hommes et femmes venaient consulter les voyantes et leur demander l’avenir.

Le 11 août, plus de 1500 personnes sont venues au Pontinet et à un grand nombre la Vierge est apparue dans la crevasse du mur. De la part des femmes, la foi était entière ; les hommes venaient, à demi croyants, à demi douteurs. Si l’autorité ecclésiastique s’y était prêtée, une dévotion nouvelle se serait créée très vite. Les jours de fête on dressait sur la lande des tentes où l’on vendait pêle-mêle des chapelets, des statuettes de la Vierge et de la charcuterie, des poires et du vin.

Peut-être à un autre moment de l’année la nouvelle eût-elle mis plus de temps à se répandre, mais le 6 août était jour d’examen pour le certificat d’études primaires à Savignac-les-Eglises ; il y avait là 80 enfants réunis, filles et garçons ; leurs parents entendirent raconter aux gens de Savignac les visions de Marie. Ils répandirent la nouvelle dans tous les cantons voisins et cinq jours après (11 août) plus de 1500 personnes venaient au buisson de noisetiers où la bonne Vierge s’était révélée.

Vers une heure, Marie Magontier vint nous retrouver à notre auberge ; elle était moins farouche que le matin et se laissait plus aisément interroger.

Elle n’avait plus la même attitude hostile et hautaine, mais elle semblait inquiète et troublée ; elle était assise dans un coin de la salle d’auberge, les yeux fixés obstinément par terre. M. Verdeney la questionna en patois, mais il ne pouvait en tirer aucune réponse. Je m’approchai alors d’elle, je lui pris les mains, puis je lui parlai doucement, lui caressant la joue et les cheveux et la regardant dans les yeux. Au bout d’un peu de temps, elle vint d’elle-même auprès de moi et dès lors elle répondit à toutes mes questions. Sa mère, me dit-elle, avait, elle aussi, des visions ; elle voyait sa sœur lui apparaître et apercevait la nuit des lumières passer. Marie a vu une nuit sa mère morte : c’était une grande