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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/457

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a. fouillée. — origine de notre structure

une simple modification d’un contenu déjà existant, déjà informé. Il en est de même de notre connaissance, qui est une modification du contenu déjà informé de notre expérience. Cette modification, dans la plupart des cas, a lieu par la combinaison d’expériences plus radicales et plus constantes avec des expériences plus superficielles et plus inconstantes. Il nous reste à examiner s’il en est ainsi dans tous les cas.

III

Si on entend par expérience uniquement les données de nos cinq sens, il y a là une réduction arbitraire : les sens internes, le sens de la vie, la cénesthésie, les plaisirs et les douleurs, les appétitions et la volonté, la pensée même et ses opérations, tout cela est aussi connu par expérience ; pour être interne et immédiate, l’expérience n’en mérite que mieux son nom. Est donc dû en premier lieu à l’expérience tout ce qui, de quelque manière, est présenté ou représenté à notre conscience, tout ce qui, ayant un contenu quelconque, peut devenir objet. Est dû aussi à l’expérience, en second lieu, ce qui est saisi sous une forme entièrement subjective et intraduisible en objet proprement dit : tel est l’élément affectif de nos plaisirs et de nos douleurs, si familier subjectivement, quoique objectivement irréprésentable ; tel est encore l’élément actif du désir et du vouloir, dont nous avons une conscience perpétuelle sans pouvoir nous le représenter objectivement, sinon par l’addition de sensations musculaires et autres qui l’encadrent sans le constituer. On a donc le droit de dire que nous avons l’expérience de jouir et de souffrir, de désirer et de vouloir. Maintenant, n’y a-t-il rien de plus qui contribue à déterminer nos états intérieurs et, plus particulièrement, nos états intellectuels ? Toutes les conditions de nos idées et croyances sont-elles conscientes et, par conséquent, réductibles à une expérience proprement dite, soit objective, soit subjective ? Non ; nous avons un cerveau dont la structure native contribue à déterminer nos modes de penser, sans que nous ayons l’expérience immédiate de cette structure, sans que nous ayons conscience du mécanisme cérébral qui impose certaines directions à l’exercice de notre pensée. Cette structure cérébrale a pour corrélatif une certaine constitution intellectuelle, dont nous n’avons pas davantage la conscience immédiate ni l’expérience primitive, quoiqu’elle se découvre à nous dans l’exercice même de notre pensée, et finisse ainsi par devenir elle-même un objet d’expérience interne.

La doctrine aprioriste a son point de départ dans cette importante vérité, dont elle est l’interprétation inexacte. Supposez un astro-