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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/461

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a. fouillée. — origine de notre structure

votre conscience, ce sont les battements de votre cœur, ce sont vos muscles qui se tendent et se relâchent, ce sont des images qui passent devant votre esprit, des mots et des phrases qui se succèdent ; en un mot, le temps n’est senti que par le changement, et le changement n’est senti que sous une forme concrète : un esprit pur, dans le temps pur, ne saisirait pas les changements du temps même, car que seraient des changements tout abstraits ? Il n’y a de changement que dans l’ordre concret et vital, et il n’y a de sentiment de changement que dans l’activité et l’appétit. L’intuition « pure » du temps est donc un non-sens, et le temps est une donnée fondamentale de la conscience enveloppée dans toutes les autres données de la conscience.

D’ailleurs, l’a priori concerne l’origine de la connaissance, la nécessité n’en concerne que le mode : elle est donc un critérium insuffisant pour déterminer l’origine de la connaissance. La nécessité n’est pas sa seule explication possible dans quelque chose de supérieur à l’expérience et à la totalité du contenu de l’expérience. Ce contenu, en effet, tel qu’il est donné à l’individu et à l’espèce, renferme des éléments que l’analyse peut découvrir et subordonner l’un à l’autre ; or, s’il existe dans la réalité et, du même coup, dans l’expérience, des éléments inséparables l’un de l’autre, ils s’imposeront partout et toujours : ils se retrouveront au fond de toute expérience. La nécessité dépendra, en ce cas, des éléments mêmes contenus de fait dans l’expérience en général, dans la conscience en général, telle qu’elle s’apparaît à elle-même par l’analyse. Ce seront donc encore des éléments radicaux de l’expérience, quoique non particuliers et accidentels ; mais ce ne seront point nécessairement pour cela des formes transcendantes et a priori de l’entendement, supérieures à l’expérience.

Kant répond que, si la nécessité n’a pas une origine a priori et en dehors de l’expérience, elle sera alors toute subjective, semblable à l’ « habitude acquise » de Hume. Mais l’origine de la nécessité a priori la rend-elle moins subjective ? En quoi l’inhérence de la catégorie de causalité à mon entendement fondera-t-elle la réalité objective d’un lien causal dans les événements, dans les données de l’expérience ? La nécessité sera exclusivement relative à moi et ne portera point sur les événements eux-mêmes ; elle ne sera donc point une vraie nécessité ni une vraie universalité ; rien ne m’assurera que les nécessités de ma pensée régissent le monde extérieur comme elles me régissent moi-même. — Elles le régissent certainement, répondent les Kantiens, puisque le monde extérieur, pour être pensé, nous devient intérieur et ne peut manquer par cela même de tomber