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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/498

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la Scuola positiva, dirigée par M. Fioretti, inspirée de l’esprit de Ferri et de Garofalo, tout autrement large et compréhensif que le point de vue du maître. La Sociologia criminale de Colajanni, maintenant député socialiste au Parlement italien, a été un coup violent pour les théories de cette école ; elle a donné lieu entre les deux champions des causes sociales et des causes naturelles du délit, à une polémique des plus vives, où, si je suis bien renseigné, les applaudissements de la galerie, c’est-à-dire de la presse, n’ont pas été pour le célèbre professeur de Turin. Aux colères et aux déraisonnements (ire e spropositi) de ce dernier, son adversaire a répondu par des démentis sanglants, des raisons et des faits, ce qui lui a valu, de la part de M. Lombroso, l’épithète de pseudo-sociologue. Cela ne prouve pas grand’chose ; un des collègues de M. Lombroso ne l’a-t-il pas traité lui-même de pseudo-aliéniste, sans diminuer en rien par là sa réputation ni son mérite ? M. Morselli est, certes, un anthropologiste de distinction ; cependant le remarquable programme de son cours de criminologie, fait à l’université de Gênes, indique nettement ses préférences pour l’explication sociale du crime. Je traduis un passage entre plusieurs : « Nécessité de substituer le concept sociologique au pur et simple concept bio-anthropologique du délit… » Nous pouvons citer encore, comme preuve de la diffusion du point de vue sociologique en criminologie, une incisive brochure du professeur Mosca, revisore à la Chambre des députés italienne, à propos de Colajanni, dont il combat d’ailleurs les idées socialistes. Enfin, nous venons d’apprendre, par un article-programme de M. Emmanuel Carnevale, dont le titre est significatif, Una terza scuola di diritto penale, qu’une phalange de criminalistes distingués dont il fait partie est en train de fonder une troisième école de droit pénal, également éloignée du conservatisme classique et du naturalisme lombrosien. « Colajanni, Pugliese, Alimena, Vaccaro, Impallomeni et quelques autres » sont ses fondateurs. Il suffit de citer ces noms pour dire à quelles sources puisera de préférence ce « positivisme critique ». Il se préoccupera de trouver à la science pénale, de même qu’à la science sociale en général, son fondement propre, au lieu de l’asservir aux sciences naturelles sous prétexte de l’élargir ; et il prêtera attention au progrès des idées socialistes au moins autant qu’à celui des études anthropologiques. Il est inutile d’ajouter que toutes nos sympathies sont acquises aux éminents initiateurs de ce mouvement.

Quant à la statistique, elle a l’avenir pour elle, sans nul doute, et elle est destinée à résoudre plus tard, définitivement, bien des problèmes qui nous divisent. Mais il faut attendre pour cela que bien des années d’enregistrements arides et monotones, aux oscillations numériques faiblement significatives, aient passé sur nos têtes. M. Virgilio Rossi, dans une intéressante petite brochure (I germi della statistica Milan, 1891) nous fait l’archéologie de la statistique ; il nous apprend que ce n’est pas aux Chinois mais aux Romains qu’il convient d’en attribuer la paternité, Plus pratique, et non moins érudit, M. Bodio,