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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/507

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REVUE GÉNÉRALE. — études criminelles et pénales

suicide, des morts accidentelles, etc., est liée indissolublement à la civilisation, qu’il ne faut donc ni s’en étonner ni s’en affliger outre mesure, et qu’il est superflu de prétendre rompre ce lien naturel en luttant contre la marée du Délit. Un villageois raisonnerait exactement de la même manière, si, voyant sa rivière, d’abord basse et limpide, grossir peu à peu après des pluies et se salir en même temps, il en concluait que la saleté d’un cours d’eau est nécessairement proportionnelle à son volume et à sa hauteur. Il n’aurait qu’à attendre quelques jours pour voir, souvent, quand le fleuve grossi s’est maintenu à son niveau supérieur, le limon tomber, et l’eau retrouver sa limpidité première. Actuellement, notre civilisation, en sa montée rapide, après des pluies de découvertes, présente les caractères d’un débordement ; mais soyons sûrs qu’en se fixant elle se filtrera. Rappelons-nous la statistique genevoise de tout à l’heure.

2o Au rapport officiel de 1880 est joint un tableau graphique qui résume en deux courbes la marche, année par année, de la criminalité violente et de la criminalité cupide pendant un demi-siècle. Or, ces deux courbes françaises, précisément comme les deux courbes espagnoles correspondantes, présentent une même allure générale, malgré des inversions accidentelles à certaines dates. Un autre tableau graphique, joint à l’année 1887, et qui fait porter la comparaison entre les deux natures de délictuosité aussi bien qu’entre les deux natures de criminalité proprement dite, donne lieu à la même observation.

On le voit, toutes les cartes et toutes les courbes d’Yvernès, pour la France, rendent témoignage dans le même sens et s’entre-confirment ; et elles s’accordent pareillement avec les courbes espagnoles, mais non peut-être, semble-t-il, avec les cartes espagnoles. Qu’en conclure ? sinon qu’il y a lieu de n’accueillir qu’avec réserve ces dernières ou du moins l’interprétation qu’on nous en donne.

Mais c’est trop insister assurément sur un des côtés erronés, instructifs néanmoins, du livre de M. Silio. Tout ce qu’il dit du rôle des causes sociales, dont il reconnaît expressément la supériorité (p. 212 et sq.), est du reste excellent. Il n’est point porté à outrer la portée de leur côté économique. Il montre, par une statistique, que les classes aisées contribuent aux 29 centièmes de la criminalité espagnole, bien qu’elles soient loin de représenter une fraction égale de la population totale du pays. Or M. Garofalo, on le sait, a cru dégager une conclusion semblable des statistiques italiennes. La misère ne serait donc pas la cause principale du délit. — Principale, soit, mais bien importante ! — Pas plus que moi, M. Silio n’admet la prétendue inversion entre la marche du suicide et celle de l’homicide. Il est d’avis que le graphique annexé par Ferri à son Omicidio-Suicidio pour prouver sa thèse prouve justement le contraire ; et, a l’appui de la thèse opposée, il apporte un document statistique relatif à l’Espagne. On y voit, de 1884 à 1889, les deux courbes du suicide et de l’homicide figurer des oscillations presque semblables.