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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/576

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de l’âme une raison qu’il jugeait décisive contre la simultanéité des états de conscience et par suite des sensations simultanées. Même dans l’école de Herbart, on n’admettait point le caractère originairement extensif des impressions de couleur. Leibniz non plus, croyons-nous, ne les eût admises, lui qui composait la sensation d’étendue d’une continuité de sensations de résistance reliées les unes aux autres par la continuité du souvenir et rattachées sans interruption à la sensation présente immédiatement et actuellement aperçue.

D’autre part, la thèse plaidée si brillamment, si vigoureusement dans le second volume de la Tonpsychologie n’a-t-elle pas contre elle l’un des principes directeurs de la philosophie évolutionniste ? S’il est vrai, ainsi que M. Spencer voudrait en avoir assuré les preuves, que révolution multiplie les effets, et différencie les êtres en différenciant de plus en plus les fonctions et les lois, on parvient à comprendre, que plus l’esprit humain se développe, mieux la conscience apprend à s’analyser, n’est-ce pas ? Alors que venons-nous de faire en opposant les évolutionnistes à M. Stumpf ? Bien loin de le combattre ils le confirment. — Tout de même ils le combattent, car il ne s’agit point tant de savoir où en est l’adulte présentement que de déterminer, si on le peut, d’où il est parti. Or que prétend M. Stumpf ? — Il soutient que plus on a l’expérience des choses de la musique, plus on différencie aisément ses sensations, et la thèse évolutionniste n’est pas autre. — Prenez-y garde ; elle est exactement l’opposé. Carie don de différencier ses sensations s’explique par l’accoutumance de l’analyse. L’attention n’est pas exclusivement volontaire et l’on peut être attentif sans faire exprès : tel est le cas des musiciens. On sait, d’autre part, que l’attention, volontaire ou involontaire, a pour effet de neutraliser de plus en plus les résultats de l’habitude. L’habitude a fait prendre aux sensations musicales coexistantes primitivement discernables et, si l’on peut dire, juxtaposées dans la durée, l’apparence d’un tout homogène ; cette apparence, l’attention la dissipe. Mais puisque c’est à l’attention qu’elle doit de pouvoir être dissipée, c’est que la différenciation primitivement instinctive a dû, en s’affaiblissant, exiger, pour rester présente à la conscience, un effort d’intensité croissante : et il n’importe ici que cet effort soit ou non volontaire ; il suffît qu’il soit. Donc l’évolution du phénomène a eu lieu, s’il faut en croire M. Stumpf, en sens inverse de cette loi de l’évolution, dont on peut bien dire que depuis la propagation des doctrines de M. Spencer, elle est devenue classique. Il aurait dû y avoir passage de l’homogène a l’hétérogène ; il y a eu passage de l’hétérogène à l’homogène. Il aurait dû y avoir multi-