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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/629

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j. passy. — note sur les dessins d’enfants

dépend tout simplement du premier modèle qu’on lui a tracé ; ce sera une face ou un profil suivant qu’on lui a montré des bonshommes de face ou de profil ; une main, un pied sont représentés par une sorte de râteau à cinq branches, etc. Dans ma famille, par exemple, si je demande à un enfant de faire mon portrait et que je me place de profil, il me dessine invariablement de face, avec deux yeux, deux oreilles, le nez et la bouche au milieu, etc. Au début, mon attention n’étant pas suffisamment attirée sur cette cause d’erreur, j’étais tenté de considérer le fait comme général et d’admettre que le dessin correspondait bien à la perception de l’enfant ; mais en répétant l’expérience dans un autre milieu, je fus détrompé par un résultat inverse ; en me plaçant de face, j’obtins un dessin de profil. Lorsque l’enfant est très intelligent, il ajoute quelques variantes au thème principal, en ce qui concerne, par exemple, les cheveux ou la barbe, mais n’y introduit pas de changements importants. Dans beaucoup de cas j’ai pu vérifier directement que les dessins étaient conformes à ceux que les parents ou les domestiques avaient exécutés devant eux, et qu’ils en reproduisaient même d’une façon frappante les imperfections. Les petits paysans qui n’ont pas les mêmes exemples sous les yeux, m’ont donné des résultats différents.

Avec un peu d’habitude, on reconnaît facilement l’enfant qui dessine de chic : il n’hésite pas, saisit son crayon d’un air sûr de lui, dessine rapidement et d’une manière automatique ; il est impossible de lui faire regarder son modèle avec attention ; si on le rappelle à l’ordre, il jette à peine sur lui un coup d’œil distrait et dédaigneux et continue sans se préoccuper de ce qu’il a vu ; son dessin est toujours le même, il le commence et le termine toujours par le même endroit ; aussitôt fini, il vous le tend d’un air triomphant ; on sent qu’il possède une recette infaillible et ne peut pas se tromper ; un cheval se fait comme ceci, un homme comme cela. Enfin on remarque dans le résultat une certaine adresse, tout au moins un certain aplomb de la main, tout à fait en désaccord avec les absurdités du fond.

Je demande par exemple à Octave M…, sept ans, de dessiner ma tête, et je me place de profil. Il me dessine de face et tout entier, bien que mon corps soit caché par la table ; je répète ma demande et me place de face ; même dessin exactement. À la troisième épreuve j’obtins enfin la tête seule, mais l’enfant, troublé dans ses habitudes, est devenu maladroit ; il a oublié les cheveux, les yeux, les oreilles et la bouche ; je lui en fais l’observation : « Est-ce que tu n’as rien oublié ? » — « Non. » — « Avec quoi est-ce qu’on regarde ? » — « Avec des œils. » — Pan, pan, deux petits ronds pour les yeux. « Avec quoi est-ce qu’on mange ? » — « Avec une bouche » ; — deux