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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/632

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reporte donc sur le côté, la rabat sur son papier. Son travail à ce moment est très instructif à suivre : on le voit incliner le corps, se pencher pour s’efforcer de tourner autour de l’objet ; au lieu de faire coïncider ce qu’il dessine avec ce qu’il voit, il cherche à faire coïncider ce qu’il voit avec ce qu’il se représente. Il ne se contente pas de déplacer les saillies, il en modifie la forme ; il ne les dessine jamais en raccourci, mais en vraie grandeur.

Les explications précédentes vont nous permettre d’aborder une question intéressante, celle de la représentation de la figure humaine. Quelle différence l’enfant fait-il entre la face et le profil ? Dans quelle position et de quelle manière figure-t-il chacun des traits ? Le nez constitue une saillie ; en outre, vu de face, il est en raccourci ; il est donc reporté sur le côté et dessiné comme s’il était vu de profil ; la bouche suit généralement le nez, c’est-à-dire qu’elle est placée sur le côté. L’oreille, qui forme une saillie, est, comme le nez, placée sur le côté, comme si la figure était vue de face ; l’enfant n’en dessine qu’une lorsqu’il n’en voit qu’une ; lorsqu’il en voit deux, tantôt il les place toutes les deux du même côté, tantôt il n’en dessine qu’une comme dans le profil ; l’oreille paraît d’ailleurs avoir très peu d’importance pour lui, et manque fréquemment.

Quant à l’œil, il est représenté de face ; en effet, l’œil vu de profil est en raccourci ; mais il y a quelque chose de plus : dans cette position une partie de l’œil est complètement masquée par l’autre ; l’enfant la rétablit comme s’il la voyait. Cette altération si marquée est très générale et très persistante ; la figure la montre chez un enfant de treize ans. Il est intéressant de rappeler à ce propos qu’on rencontre la même erreur chez les peuples primitifs. Tout le monde l’a remarquée dans les bas-reliefs égyptiens ; on sait moins que la chose a existé chez les Grecs ; M. Louis Ménard, professeur d’histoire des religions à l’Hôtel de Ville, nous a communiqué une médaille d’Athénè qui présente un spécimen bien net de cette particularité. Le fait m’a également été signalé par M. H. Motte, professeur à l’École coloniale, dans les dessins d’Annamites ; j’inclinerais à le croire très général à une certaine période de développement artistique chez la plupart des peuples. — En résumé, et en répétant les réserves faites au début à propos de la personne humaine, une figure de face se compose d’un nez et d’une bouche de profil avec des yeux et des oreilles de face ; une figure de profil, d’un nez et d’une bouche de profil avec un œil et une oreille de face ; le profil et la face ne semblent différer que par le nombre des yeux et des oreilles ; c’est là un résultat assez piquant.

Prenons maintenant un exemple de perspective ; l’enfant ne s’aper-