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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXII, 1891.djvu/652

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A. Russel Wallace. Le Darwinisme, traduit par H. de Varigny. Librairie Lecrosnier.

Le savant collaborateur et ami de Ch. Darwin, l’homme qui, avec l’illustre savant anglais, a le plus contribué à élever sur des bases solides et véritablement scientifiques l’édifice de la doctrine de l’Évolution, A. Russel Wallace vient de faire paraître (1889) un nouvel ouvrage aussitôt traduit en français par M. de Varigny. Très modestement, Wallace attribue à Darwin tout le mérite de la découverte de la sélection naturelle, et le livre nouveau qu’il présente aux « lecteurs intelligents » est un monument élevé à la gloire de l’illustre savant anglais. Le premier but de cet ouvrage est de discuter avec des détails suffisants un tableau synthétique des principales œuvres de Darwin : déjà à ce seul point de vue, un travail de ce genre peut rendre de grands services à toute personne qui, n’étant pas spécialisée dans l’étude des sciences naturelles, ne peut passer de longues heures à approfondir les ouvrages si condensés et d’un style si serré de l’illustre savant anglais.

Tout ce qu’il y a d’essentiel dans l’œuvre de Darwin est exposé par Wallace avec une conscience et une autorité indiscutables qui malheureusement n’excluent pas certaines obscurités de style. Le naturaliste s’intéressera vivement aux innombrables exemples accumulés par Wallace à l’appui de ses opinions. À côté de faits classiques, présentés jadis par Darwin, comme les expériences sur les pigeons, l’histoire de la fécondation des plantes par les insectes, etc., on trouvera une foule d’observations nouvelles recueillies dans les nombreux ouvrages, même les plus récents, qui s’occupent de l’Evolution. C’est là en effet le second des points que l’auteur s’efforce de mettre en lumière : depuis la publication de l’Origine des Espèces, un très grand nombre de faits observés viennent confirmer la théorie et la fortifier.

Wallace est, comme il l’avoue lui-même, plus darwiniste que Darwin. La sélection naturelle est, pour lui, le seul phénomène nécessaire et suffisant pour expliquer la formation de nouvelles espèces. La doctrine darwinienne, ainsi simplifiée, peut s’exposer en peu de mots. Chacun des points que nous indiquons ici fait l’objet d’un développement approfondi. La multiplication continuelle des êtres en progression géométrique a pour conséquence forcée la lutte pour l’existence. Ceux-là seuls survivent qui sont à quelques égards mieux organisés pour lutter contre les éléments et contre leurs ennemis, et pour trouver leur nourriture et assurer leur reproduction. Mais la survivance du plus apte suppose que tous les animaux nés simultanément ne sont pas semblables. Effectivement la variabilité est grande dans une même espèce chez les animaux et les plantes. Toute variation utile à l’être vivant sera conservée par l’hérédité et devra même s’accentuer progressivement. La disparition forcée des types intermédiaires explique comment les divergences s’établissent entre deux formes issues de la même souche. L’isolement, utile sans aucun doute, n’est pas indispensable pour la production de nouvelles espèces. Le développement de