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-à-dire embrasser la totalité des sources premières et dérivées relatives aux faits que l’on étudie. Le platonisme, par exemple, n’est pas tout entier dans les écrits de Platon ; Aristote, qui doit sa connaissance du platonisme à ses relations personnelles avec le maître, est un témoin qu’on ne saurait se dispenser de consulter[1]. La recherche des sources de la philosophie grecque doit s’étendre aux historiens, aux poètes, aux compilateurs, et se poursuivre, dans le temps et l’espace, aussi loin qu’ont pu aller la transmission des textes et la tradition orale.

Vient ensuite la question capitale de l’authenticité, laquelle consiste à rapporter les textes à leur véritable auteur.

L’authenticité s’établit par deux genres de preuves, les preuves internes et les preuves externes. Or celles-ci, dans lesquelles intervient beaucoup moins la façon de voir de l’historien lui-même, doivent toujours passer avant celles-là[2].

Par exemple, en ce qui concerne les œuvres de Platon, le premier point est évidemment de déterminer, à travers la diversité des ouvrages qui lui sont attribués, ceux qui peuvent servir de type, ou d’unité de mesure ; et cette détermination serait arbitraire, si elle ne reposait sur des preuves externes. C’est Aristote qui nous apprendra tout d’abord à prendre pour types la République, le Timée, le Phédon et les Lois. Nous y joindrons ensuite des dialogues non mentionnés par Aristote, mais contenant des passages qu’il cite comme étant de Platon.

Quant à l’examen des preuves internes, il est très-délicat. S’il est évidemment trop commode de n’attacher qu’une médiocre importance aux différences de forme et de fond que présentent les ouvrages attribués à un même auteur, sous prétexte que l’auteur avait sa logique à lui, non la nôtre, il ne faut pas non plus imposer à un auteur une unité exagérée de doctrine et de ton. Ainsi[3] Grote va trop loin lorsqu’il admet que Platon ne songeait pas à mettre ses dialogues en harmonie les uns avec les autres, et qu’il se souciait peu de tomber, en un même dialogue, dans les contradictions les plus manifestes. Mais, d’un autre côté, Ueberweg et Schaarschmidt attachent trop d’importance à des particularités telles que le manque de vie dramatique dans le Philèbe ou le développement antinomique du concept dans le Parménide. Il se trouve des choses bien plus singulières dans le Timée ou les Lois, comparés à la Répu-

  1. Phil. d. Gr., ii, a, 407 (3e éd.).
  2. II, a, 384.
  3. II, a, 412.