Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
analyses. — siciliani. La critica nella filosofia.

On a mis l’histoire de France en madrigaux ; on n’avait pas encore songé à exposer les systèmes zoologiques sous forme de saynètes. M. Siciliani a eu cette idée. Rien ne peint mieux l’état de certains esprits en Italie que cet ouvrage où l’auteur a cru nécessaire pour se faire lire de découper un traité d’histoire naturelle en une suite de comédies et de prêter à ses personnages le parler des rues de Florence. Stenterello professeur de zoologie ! quelle misère dans la patrie de Spallanzani ! Et de quelle philosophie à l’eau de rose le public italien a-t-il dû être nourri dans ces dernières années, si vraiment il a besoin qu’on lui accommode de cette façon Guvier, Gœthe et Darwin ! Inutile de faire ressortir l’absence de critique qu’une telle critique suppose et ce qu’il faut de bonhomie à un auteur pour croire qu’il fait œuvre scientifique quand il met dans la bouche de gens comme Huxley, Darwin, Milne Edvards, Quatrefages, Helmholtz de longs discours dont leurs œuvres ne contiennent pas un traître mot. Ce qu’il y a de plus affligeant, c’est qu’on ne peut refuser à M. Siciliani des lectures fort étendues et une très-suffisante connaissance des sujets traités. Professeur de philosophie à Bologne, il prépare en ce moment une psychologie comparée : nous le supplions de se mettre un peu moins en frais d’imagination pour son second ouvrage. Il fera sagement aussi de renoncer à une affectation de polyglottisme tout à fait juvénile : ses débuts dans la langue française particulièrement, ne sont pas heureux. Qu’il nous représente Renan (sic) jetant à Edwards un regard passionné (guardando l’Edwards con occhio appassionato), ce même M. Edwards appelant Madame G. Royer « ma chère » (a cara) et M. Taine criant de loin dans une gare où il rencontre celle-ci : Clemenza ! Clemenza ! qu’il nous montre Littré faisant des yeux torves à son interlocuteur (facendo gli occhi torvi) et l’interlocuteur lui offrant pour l’apaiser une prise de tabac, rien de mieux, puisque tout cela fait partie de sa méthode d’exposition scientifique ; mais il dépasse son droit quand il fait dire à M. Littré en a parte : « Il paraît qu’il veuille commander à la baguette ! » et autres solécismes de la même force. Nous l’avertissons obligeamment que le français dont il se sert n’a pas cours de ce côté-ci des Alpes.

A. Espinas.