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naville. — principes directeurs des hypothèses

solides. Le capital de M. Boyle était d’inculquer que tout se faisait mécaniquement dans la physique, mais c’est un malheur des hommes, de se dégoûter enfin de la raison même et de s’ennuyer de la lumière[1]. » La recherche du simple est donc en chimie si peu le résultat de l’observation et de l’expérience, que l’observation et l’expérience ont eu jusqu’ici pour résultat de multiplier les corps simples, et que nous voyons la raison s’obstiner pour ainsi dire dans la recherche de l’unité, et peut-être avec excès ; car l’idée de la parfaite similitude des atomes primitifs et de l’unité absolue de la matière pourrait bien être l’abus et non le légitime usage de la recherche de l’unité.

La physique, au début de ce siècle, admettait, comme nous l’avons déjà vu, l’existence de plusieurs fluides à propriétés spéciales. Les découvertes d’Œrstedt et d’Ampère sur les rapports de l’électricité et du magnétisme, les travaux de Fresnel sur la lumière, les rapports des diverses classes de phénomènes précisés par la science contemporaine, ont donné une autre direction aux recherches, et mis en honneur la pensée d’un fluide unique. Nous avons entendu M. de la Rive signaler le fait. L’idée de l’unité d’un fluide dont les mouvements divers constitueraient la chaleur, la lumière et le magnétisme est-elle née des travaux scientifiques de l’époque contemporaine indiquée par ce savant ? Assurément pas. Toute l’école cartésienne a affirmé au xviie siècle et au commencement du xviiie, que)a. chaleur, abstraction faite de la sensation, n’est qu’un mouvement ; que la lumière est une action et non une substance ; elle a affirmé l’unité primitive de la matière pondérable et de la matière impondérable. Le système du monde dans lequel Descartes, imbu d’une fausse méthode, s’est livré à) son imagination en croyant faire des déductions à priori, a succombé devant les résultats de la science expérimentale ; mais le principe directeur de Descartes : la recherche de l’explication de tous les phénomènes physiques par des lois mécaniques, a inspiré les, hypothèses qui ont constitué la science contemporaine. Les prolégomènes de Fresnel s’opposent absolument à ce que l’on considère l’influence de l’école cartésienne comme étrangère à la production de la physique] moderne, et il n’est pas admissible que les auteurs de la théorie mécanique de la chaleur n’aient pas subi, directement ou par des intermédiaires, l’influence de l’école cartésienne. On voit donc qu’en physique, ainsi qu’en chimie, la tendance à l’unité a précédé la confirmation expérimentale de sa valeur.

  1. Édition Erdmann, page 777.