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ANALYSES ET COMPTES-RENDUS



Francisque Bouillier. Du plaisir et de la douleur (2e édition). Hachette, 1877.

Cette nouvelle édition est presque un nouveau livre, nous dit M. Bouillier dans son avant-propos. En effet, l’ouvrage, qui n’avait d’abord (1865) que treize chapitres et moins de cent soixante pages, comprend aujourd’hui plus de trois cent soixante pages, divisées en dix-sept chapitres. C’est dire que les lignes primitives en ont été grandement modifiées : les anciens développements ont pris de nouvelles proportions et l’auteur y a joint des développements entièrement nouveaux. Toutefois, , malgré ces changements et ces additions, ce sont toujours les mêmes idées, la même méthode et le même principe. Nous allons rappeler quel est ce fond de doctrine, qui a fait tout d’abord la valeur de l’ouvrage et qui n’a pas varié ; mais nous nous appliquerons surtout à signaler exactement, afin qu’on les puisse apprécier, les changements principaux que cette deuxième édition apporte à la première.

C’est uniquement « en psychologue », que M. Bouillier traite du plaisir et de la douleur ; c’est « au point de vue de la pure analyse psychologique », qu’il étudie la nature de ces phénomènes, leur cause, leur place dans la vie de l’âme, leurs rapports réciproques et leurs divers modes. Ainsi comprise, ainsi dégagée de toutes les discussions morales et théologiques sur l’origine du mal, le vice et la vertu, le souverain bien, la question est précise, scientifique, et, sinon nouvelle, à coup sûr nullement vieillie. Tous ceux qui s’en occupent savent à quel point elle est délicate, à combien de théories elle a donné lieu, combien il est malaisé de s’y orienter et de s’arrêter soi-même à quelques vues claires et compréhensives dont on soit satisfait. M. Bouillier n’a pas seulement rappelé l’attention sur cet important problème de psychologie, assez négligé à l’époque où son livre parut pour la première fois ; il a rendu un service considérable et, croyons-nous, incontesté, en faisant l’inventaire de tous les matériaux d’une théorie de la sensibilité épars dans les écrivains « qui ont le mieux connu le cœur humain ». Il ne se flatte pas, en effet, d’avoir fait quelque découverte capitale ayant échappé à tous ceux qui ont écrit avant lui sur le plaisir et la douleur. Son unique dessein a été de recueillir partout, dans Platon et Aristote, dans Descartes, Spinoza et Adam Smith, dans les moralistes