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nolen.l’idéalisme de lange

bre ? Réduit à l’essentiel, il peut se prêter à toutes les transformations de la culture moderne.

C’est que l’essence de la religion, ce ne sont pas ses doctrines, ses traditions, ses cérémonies particulières, mais les sentiments qui l’inspirent : la pitié pour la souffrance, le sacrifice dévoué et confiant de l’individu au tout, la foi dans le triomphe final du bien, le culte enfin de l’idéal. C’est pour cela que les âmes vraiment religieuses, en dehors et au-dessus des oppositions de leurs croyances dogmatiques, communient et fraternisent dans la sphère supérieure des sentiments qui leur sont communs. Tout l’esprit et le savoir des apologistes n’auraient pas suffi à protéger les dogmes religieux contre les objections de la critique. Ils étaient bien plus sûrement défendus par « le saint effroi avec lequel l’âme accueillait les mystères, par la religieuse répulsion que la conscience du croyant éprouvait à envisager de trop près les limites qui séparent la vérité et la poésie. »

C’est ce qui explique aussi que des hommes d’entendement pénétrant tiennent encore à la religion. Ils ont été habitués dès l’enfance à une vie religieuse, riche d’émotions morales. Ils y restent attachés par les mille liens du cœur, de l’imagination, du souvenir.

Ils étaient convaincus de cette prédominance du sentiment, de la foi spontanée sur le dogme et sur les pratiques du culte, les grands idéalistes modernes qui ont essayé, sous le nom de la philosophie de la religion, la conciliation de la raison philosophique et de la religion traditionnelle. Plus que tous les autres, plus que Schleiermacher lui-même, Fichte a réussi à poser les bases essentielles de ce traité de paix. « Le puissant Fichte annonça au monde l’aurore d’une époque nouvelle, en répandant l’Esprit-Saint sur toute chair vivante. L’Esprit, dont il a été prophétisé dans le Nouveau-Testament qu’il conduira les disciples du Christ dans la voie de l’absolue vérité : cet Esprit n’est pas autre pour Fichte, que l’Esprit de la science qui s’est manifesté de nos jours. Cet Esprit nous enseigne sans voile l’unité absolue de l’existence divine et de l’existence humaine, telle que le Christ en a offert au monde, pour la première fois, le vivant symbole. La révélation du royaume de Dieu est la vérité essentielle du christianisme. Mais ce royaume, c’est celui de la liberté ; et on le gagne par l’absorption de la volonté individuelle dans la volonté divine, par la mort et la résurrection de l’homme. Les doctrines qui enseignent la résurrection des morts, au sens matériel du mot, ne sont que de fausses interprétations de la doctrine du royaume céleste : en celle-ci réside le véritable principe d’une nouvelle conception du monde. Fichte