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variétés.pomponazzi et ses interprètes italiens

manière d’étudier ses voisins que de les regarder à l’œuvre.

Le premier, aujourd’hui professeur à l’université de Pise, a publié en 1866, sur le sujet qui nous occupe, un très-remarquable livre, dont M. Franck a rendu compte dans le Journal des savants[1]. On n’a pu que reconnaître la science profonde et la merveilleuse agilité d’esprit de l’auteur, qui se meut sans fatigue apparente, pendant plu3 de 500 pages, à travers l’inextricable dédale des distinctions et arguties par lesquelles averroïstes et alexandristes, thomistes et scotistes, prétendaient expliquer toutes choses. On l’a loué d’avoir su délimiter sa recherche en prenant un centre unique de discussion, lequel, dans le cas présent, ne pouvait pas être autre que celui qu’il a choisi : la théorie de l’âme, de sa nature et de sa destinée, tel était en effet le problème qui se posait au commencement du xvie siècle. M. Fiorentino montrait d’ailleurs que ce n’était qu’une formule nouvelle de la question toujours renaissante des rapports du particulier et de l’Universel, dont les deux formules précédentes, problème des universaux et problèmes de l’individuation, avaient occupé la philosophie pendant les deux périodes de la scolastique. En sorte que, sous l’apparence d’une théorie particulière, c’était l’idée fondamentale de toute la spéculation jusqu’à Descartes, qu’il s’agissait d’étudier dans son développement. L’auteur cherchait cette idée à ses origines, dans Aristote, la suivait dans ses transformations, et la montrait s’achevant par le triomphe de la pensée moderne. L’ampleur de cette conception révélait un esprit philosophique aussi hardi, aussi original qu’il avait paru pénétrant et subtil dans l’étude minutieuse du détail.

Mais cette hardiesse, cette subtilité même inspiraient quelques doutes sur l’exactitude de l’exposition. On ne pouvait s’empêcher d’admirer que les choses prissent toujours une tournure aussi rigoureusement logique, et que les différentes théories s’enchaînassent dans la réalité de l’histoire aussi rationnellement, aussi nécessairement que dans un livre de philosophie.

On se rappelait que l’auteur appartenait à l’école hégélienne pour laquelle l’évolution avec ses phases et ses moments, est posée comme un principe à priori et non comme une loi expérimentale. La marche du progrès à travers les époques et les systèmes paraissait trop sûre, trop régulière. Dans l’école de Padoue, on voyait l’Esprit, partant

  1. Journal des savants, 1869. Cet article renferme, dans sa brièveté lumineuse, l’étude la plus nette, la plus synthétique qui ait encore paru sur Pomponace. Elle rendrait inutile toute critique postérieure, si le mémoire de M. Ferri n’était venu apporter un élément nouveau dans la question, et donner une importance capitale à la théorie de la connaissance qui n’a été qu’effleurée par M. M. Franck.