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avec ses homéoméries, toutes dissemblables, et en nombre immense, était plus près de la vérité chimique. Maintenant, deux êtres ne peuvent être par leurs qualités dans le rapport de contradiction ; car alors l’un étant , l’autre serait non-, il serait une pure négation, il ne serait rien. Restent donc seulement la similitude et la contrariété. Si deux êtres sont semblables, la présence de l’un à l’autre ne changera rien à l’état de ce dernier, n’y apportera aucune composante nouvelle. S’ils sont contraires, c’est qu’ils ont des qualités communes et des qualités opposées : on appelle contraires les deux espèces les plus opposées, dans un même genre. Nommons ces deux êtres et . Appelons leurs qualités communes, et leurs qualités opposées, et étant d’ailleurs également réels l’un et l’autre, comme deux longueurs comptées en sens contraires sur une même ligne trigonométrique, où les deux directions sont également réelles, quoique affectées l’une du signe , l’autre du signe . Notons aussi que et représentent des unités substantielles, indivisibles sinon par abstraction, comme en mécanique une force se divise idéalement en deux autres, dont l’une est prise arbitrairement. Maintenant, supposons que les deux réalités se pénètrent, s’additionnent en quelque sorte. Algébriquement, et devraient s’annuler. Mais ici ces deux qualités sont parties intégrantes de deux êtres simples, et ne sauraient être détruites, que l’être ne s’anéantît ; cet anéantissement étant impossible, il faut admettre qu’il y a simplement tendance à la suppression des qualités contraires, et résistance de la part des deux êtres contre cette tendance. Ainsi la mise en présence des deux êtres a développé en chacun d’eux une force de conservation (Selbsterhaltung). Poursuivons : si à on substitue un 3e être , possédant les qualités a qui lui sont communes à lui et à , et en outre les qualités opposées aux qualités de , on aura , et . Les deux êtres étant mis en rapport, il se produira une tendance à l’annulation des qualités et et une résistance correspondante en chacun des deux êtres ; c’est-à-dire qu’on aura deux actions et réactions différant en qualité des précédentes. Ainsi les deux êtres auront mis en évidence successivement deux forces diverses de conservation qui sommeillaient en eux ; ils auront éprouvé un changement qualitatif dû à leur rapprochement : c’est là l’influx physique même.

Faut-il s’arrêter à discuter ce mélange d’algèbre et de métaphysique ? Il est assez clair qu’ici le problème est tourné, et non abordé : qu’est-ce que la mise en présence, l’addition, la pénétration mutuelle (durchdringung) des deux êtres ? c’était là la question ; après comme avant, elle subsiste, obscurcie, il est vrai, mais elle subsiste. Il suffit aussi de remarquer la témérité avec laquelle M. Flügel espère résoudre, a priori et en deux mots, la question de l’unité ou de la multiplicité des corps simples en chimie. Mais les traitements dont il use à l’égard des théories des grands philosophes méritent un peu plus d’attention. La doctrine de Descartes sur l’union de l’âme et du corps est simple, mais