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Page:Revue pour les français, T1, 1906.djvu/188

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REVUE POUR LES FRANÇAIS

Graves responsabilités.

La catastrophe de Courrières est désormais entrée dans l’histoire. Elle menace d’y tenir sa place à côté de la prise de Bastille. Veuille le ciel que le parallèle soit arrêté avant qu’un nouveau Comité de Salut public ne conduise à un second Robespierre qui nécessite un troisième Bonaparte. Et, de fait, un élément existe aujourd’hui dont il faut tenir le plus grand compte et qui n’existait pas il y a cent quinze ans ; c’est la solidarité internationale dont les ouvriers attendent le salut et dont il apparaît au contraire que ce sont les bourgeois qui recevront le renfort décisif. Nous reviendrons sur ce sujet très prochainement… Mais à part cette dissemblance, convenons que l’heure présente rappelle d’une façon bien singulière les approches de 1793 : Mêmes effervescences endiablées, mêmes illusions folles, même impuissance individuelle, même inaction des dirigeants. Et n’est-ce pas comme une seconde nuit du 4 août, aussi généreuse que l’autre et probablement aussi peu efficace, cette séance de la Chambre des députés où la presque unanimité des votants a donné raison aux mineurs : car tel est bien le sens du scrutin par lequel ont été approuvées les déclarations du gouvernement — et ses menaces à l’égard de la compagnie coupable.

Il est difficile de nier désormais cette culpabilité. Un professeur de l’Université de Genève, M. Milhaud, a publié dans le Courrier Européen le tableau des dividendes distribués par la Compagnie de Courrières à ses actionnaires. Elle fut constituée en 1852 avec un capital de 600.000 francs, représenté par 2.000 actions de 300 francs. Dès la cinquième année, le dividende s’éleva à 50 pour cent ; dix ans plus tard, il fut de 100 pour 100 ; puis il passa de 300 pour 100 en 1890 à 766 pour 100 en 1891 et enfin à 1.040 pour 100 en 1905. Ces chiffres sont indécents ; ils constituent une sorte de défi lancé à la face des travailleurs dont cette prospérité inouïe était l’œuvre. Si la mine de Courrières avait été ce qu’elle aurait dû être depuis quinze ans, une mine archi-modèle, la mieux dirigée de toutes, pourvue de toutes les améliorations imaginables, faisant à ses ouvriers une situation exceptionnelle au point de vue de la sécurité et du bien-être, songez quel instrument de paix sociale elle eût pu fournir ; des dividendes considérables, de hauts salaires, des institutions perfectionnées en vue du progrès matériel et moral du personnel… Au contraire, Cour-