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BENJAMIN FRANKLIN

les mains des Français a toujours empêché le développement des colonies. Quant à l’argument que la possession du Canada favoriserait l’accroissement d’une nation nombreuse et indépendante dont la force serait un jour dangereuse pour la Grande Bretagne, il répond que l’on connait par expérience l’impossibilité de réunir ensemble les colonies dans un but déterminé et que, seules, l’oppression et la tyrannie de la mère patrie pourraient réaliser ce miracle. « Les vagues ne s’élèvent que lorsque le vent souffle ». Le Canada devint terre anglaise.

Défenseur heureux du droit et de la justice dans ses réclamations contre les prétentions injustifiées des Penn, Franklin réussit d’abord dans les démêlés qui s’élevèrent entre la métropole et les colonies, à faire rapporter l’Acte du timbre, cette « folie de l’Angleterre » et cette « ruine de l’Amérique ». Mais la sagesse de Walpole avait, avec ce ministre, disparu des conseils de la couronne. L’idée de taxer les colonies est reprise sous une autre forme et de nouveau le procès s’engage. Jamais négociateur n’apporta plus de réelle sincérité ni plus de courage civique dans la défense des intérêts qui lui étaient confiés. Animé du passionné désir d’éviter une rupture, Franklin, pendant tout le débat, fut admirablement loyaliste. Mais il le fut dans la mesure où le respect du droit et de la justice pouvaient se concilier avec la fidélité due à la mère patrie. Et comme celle-ci se montra follement oppressive et tyrannique, « le vent souffla et les vagues s’élevèrent ». D’abord elles menacèrent d’engloutir l’indépendance américaine. L’oppression et la tyrannie allaient triompher. Franklin vint à Paris. L’éclat de son grand nom, la simplicité de ses manières, l’éloquence de ses paroles et la justice de sa cause, le nom de l’ennemi contre lequel il luttait, la défaite de Burgoyne à Saratoga, l’unanimité de l’opinion convertirent en alliance écrite et formelle une alliance de fait déjà manifestée par des envois d’argent et des enrôlements volontaires. La participation de la France devenait officielle. Alors la Fortune demeura constamment fidèle à la cause de la liberté. Pour briser cette alliance qu’elle sent formidable, l’Angleterre s’efforce par des concessions qu’elle juge magnanimes de reconquérir l’amitié américaine et de séparer les deux alliés. La tentative reste vaine. Fidèle à sa parole et à sa signature, Franklin repousse toutes les propositions habiles pourtant et insidieuses. L’Angleterre vaincue doit reconnaître l’Amérique indépendante. Ainsi l’union américaine que Franklin