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REVUE POUR LES FRANÇAIS

quer les étoiles ; mais cette industrie demeure lente, placide et ne trouble point encore les mœurs agricoles.

La seconde Angleterre est dévorée de zèle religieux ; c’est l’Angleterre dissidente qu’un destin bien étrange convertit malgré elle en un merveilleux instrument d’essaimage lointain. Il importe de bien se rendre compte que l’Angleterre agricole et anglicane n’est point passionnée religieusement. Nous l’avons vu, à maintes reprises, témoigner à cet égard d’une singulière indifférence et cette indifférence va s’accroître au point que Montesquieu se déclarera frappé de « l’absence de foi » des Anglais et que Voltaire s’étonnera de leur « tiédeur ». Elle ne hait que le papisme, et non point parce qu’elle le juge superstitieux, mais qu’il est étranger. C’est une forme d’insularisme éveillée par Henri viii et fortifiée par Élisabeth. Voilà pourquoi la masse du peuple refuse le catholicisme. À l’endroit des dissidents, il n’existe au contraire aucune haine ; mais ceux-là sont persécutés par les dignitaires de l’église anglicane qui craignent pour les situations avantageuses qu’ils ont conquises, pour les charges dans lesquelles ils se prélassent. Et cette hostilité forme le courant qui s’en va au-delà de l’océan construire l’État puritain d’où sortira la république des États-Unis.

Enfin, il existe une troisième Angleterre, très peu nombreuse encore, mais pleine d’énergie, d’activité et d’appétit. C’est celle de ces marchands, « âpres au gain, honnêtes dans le trafic parce que la bonne foi est la condition du commerce, malhonnêtes en toutes autres choses ; peu soucieux de leur engagement avec d’autres puissances, inhumains et cruels au-delà de toute expression ». (É. Boutmy.) Ce sont eux qui, par le traité de l’Aniento conclu avec l’Espagne en même temps que la paix d’Utrecht, confisqueront à leur profit le commerce des esclaves ; ce sera la base de leur politique pendant le xviiie siècle. Ils se lancent dans la carrière « avec un orgueil effréné et une avidité insatiable ».


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