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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

nablement placés, d’ailleurs, puisqu’ils rapportent à leurs propriétaires un revenu moyen supérieur à 7 %.

Le Bagne Calédonien.

M. H. Pozzi-Escot publie dans la Revue, sous ce titre, une étude qui nous aurait sans doute profondément ému en faveur des forçats si nous n’avions rapporté nous-même d’une visite récente à l’île Nou des impressions absolument contraires aux siennes.

L’auteur compare la vie d’un bagnard à celle de ses « camarades de crime » restés en France dans les maisons centrales et trouve excessive, pour des fautes à peu près égales, la disproportion des châtiments. « Les réclusionnaires osent se plaindre ! » ajoute-t-il, stupéfait de leur audace. S’il avait bien voulu interroger là-bas d’anciens réclusionnaires, il en aurait pourtant recueilli l’assurance unanime que l’existence du bagne est infiniment préférée, dans leur « milieu », à celle de la prison. Ne devons-nous pas en croire leur expérience ?

En vérité, le bagne calédonien n’a rien de cruel, pour les forçats qui obéissent aux règlements et font preuve de docilité. Leur sort ferait envie à beaucoup de pauvres honnêtes gens. Était-on prévenu, lors de notre visite ? Nous nous souvenons d’avoir goûté, sans répugnance, leur soupe, et de l’avoir trouvée, sinon délicate, du moins très substantielle et pas moins bonne que celle qu’on donne, en France, aux pensionnaires de nos hospices ; nous avons visité l’hôpital, où les bagnards malades et convalescents mènent la plus douce des existences, entourés de fleurs aux suaves parfums, soignés par de bonnes sœurs ; nous avons vu l’asile où traînent les impotents et les vieillards, sans oublier les deux bibliothèques où les intellectuels — très nombreux, prêtres et notaires, principalement — travaillent à leur convenance, les jours de fête. Que faut il encore ? Voudrait-on qu’on leur fit construire une salle de spectacles ?

Nous voulons croire que l’estimable collaborateur de la Revue n’a fait qu’une très courte visite au pénitencier de l’île Nou, et qu’on lui a montré naturellement ce qui s’y trouve de plus impressionnant, c’est-à-dire le quartier des indisciplinés. Pour ceux-là, son tableau devient juste, et même au-dessous de la vérité. Leur